mercredi 22 janvier 2014

Le Vent se lève


Il est surnommé « le crac bigleux » par ses camarades de classe à cause de ses lunettes et de son intelligence, sa petite sœur l’appelle « petit grand frère », Jiro est un enfant qui passe son temps à rêver. La nuit, il monte sur le toit de sa maison, enlève ses lunettes rondes et imagine dans la nuit noire des avions qui vont et viennent dans le ciel. La première séquence sans aucun dialogue du Vent se lève est d’une grande beauté mais aussi d’une maitrise du récit incomparable. On découvre Jiro chevauchant un avion aux élégantes ailes emplumées. Il s’élève dans les airs, prend son envol avec un grand sourire mais l’armature se brise.

Ce n’était bien entendu qu’un songe, ou plutôt un cauchemar. Plutôt que la vraie vie, Jiro préfère rencontrer dans ses rêves l’ingénieur en aéronautique italien Caproni. « Ce qui est pratique avec les rêves, c’est qu’on peut aller n’importe où » dit-il au jeune Japonais. Et effectivement, le gamin grimpe sur les ailes de l’avion. On retrouve là tout l’attrait du cinéaste pour ses machines volantes. Caproni parle lui aussi de son rêve. Le film se déroule alors en beau milieu de la première guerre mondiale et ce que l’ingénieur souhaite plus que tout au monde, c’est transformer les machines de guerre en engins volants de loisir. Jiro ne pensera qu’à devenir, comme son idole, ingénieur en aéronautique à défaut de devenir aviateur à cause de sa myopie.

La guerre finie, Jiro est désormais étudiant. Il quitte, en train, sa campagne natale pour se rendre à l’université de Tokyo. En chemin, il rencontre une jeune fille qui rattrape son chapeau qui manque d’être emporté par le vent. Un événement plus grave que la perte du chapeau arrive. Un tremblement de terre dévaste toute la ville, les immeubles sont en feu, les gens sortent de chez eux hagards. La séquence est superbe et effrayante, le son du séisme est semblable à celui d’une bête furieuse, invisible et cruelle. La tante de la jeune fille Nahoko est blessée et Jiro, sans même la connaitre, l’aide à rentrer chez elle, utilisant sa règle d’ingénieur pour faire un atèle à la jambe de la tante. Mais Nahoko quitte sa vie provisoirement.

Pour la première fois, Hayao Miyazaki invente une histoire d’amour entre deux adultes de sa naissance dans ce train au beau milieu de ce tremblement de terre à sa poursuite jusqu’à son épanouissement. Nahoko passe un jour rendre la règle de Jiro mais ils ne se voient pas. C’est deux ans plus tard qu’ils se retrouvent dans un hôtel où chacun est venu se reposer. Lui à cause d’une déception au travail (un avion s’est crashé), elle à cause de sa tuberculose. Le film, lentement, noue une romance qui prend parfois des aspects mélodramatiques. Il est tombé amoureux d’une femme totalement différente de l’autre femme de sa vie, sa petite sœur qui, adulte, est devenue médecin, incarnant l’espoir de modernité et d’émancipation. Sa sœur est terre à terre, reprochant à son frère de toujours rêver.

L’essentiel du Vent se lève est concentré autour du travail de Jiro. Embauché chez Mitsubishi par Kurokawa, l’élément paradoxalement comique du film, un homme de petite taille soupe au lait qui crie ses ordres à Jiro toujours très calme, il va travailler avec son ami Honjo qu’il a connu à l’université. Il doit construire un avion très rapide pour l’armée. Ils ne rêvaient que de construire des avions, comme ils disent régulièrement dans les dialogues, et sont obligés de faire des machines de guerre. Il se retrouve dans la même position que Caproni dont il rêve toujours de temps dans des séquences très colorées (notamment aux couleurs du drapeau italien) contrastant avec les teintes de plus en plus grises au fur et à mesure que la maladie de Nahoko s’aggrave et que le conflit commence à s’étendre. Jiro est un doux rêveur prisonnier de son époque.

Le Vent se lève (風立ちぬ, Japon, 2013) Un film d’Hayao Miyazaki avec les voix de Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetsoshi Nishijima, Masahiko Nishimura, Steve Alpert, Morio Kazama, Keiko Takeshita, Mirai Shida, Jun Kunimura, Shinobu Ōtake, Nomura Mansai.

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