mercredi 4 septembre 2013

Ilo Ilo

Caméra d'or au festival de Cannes 2013, une première pour un film de Singapour, le très joli Ilo Ilo suit quelques mois de la vie de la famille Lim, couple de la classe moyenne qui élève leur garçon de dix ans. Teck Lim (Chen Tianwen), le père, est représentant de commerce. Les affaires ne sont pas florissantes d'autant qu'il vend de la camelote. Leng (Yeo Yann Yann), la mère, est secrétaire dans une entreprise qui doit taper des lettres de licenciement de ses collègues. Le film, où l'anglais, le cantonais, le tagalog et le mandarin se mêlent, se déroule au beau milieu de la crise boursière de 1998 quand l'expansion économique des dragons asiatiques vacille.

La famille Lim pour l'instant a d'autres soucis. La mère est enceinte et décide d'embaucher une nounou pour garder Jiale (Koh Jia Ler), leur fils. Ce dernier n'est pas un garçon très calme ni très gentil. Il répond aux parents qui l'ont sans aucun doute trop gâté. Il est très indiscipliné à l'école, ce qui à Singapour n'est pas du meilleur effet. Il passe son temps à jouer au tamagotchi ce qui a le don d’énerver son père. Jiale ne fait que ce qu'il veut quand il le veut. La présentation du fils fait craindre une caricature d'ado pré-pubère qui en fait voir des vertes et des pas mûres à tout le monde. Pour tout dire, ses caprices peuvent rapidement gonfler.

C'est donc une des raisons pour laquelle les parents engage cette nounou. Teresa (Angeli Bayani) est philippine. Elle veut qu'on l'appelle Terry. Immédiatement, la mère lui confisque son passeport « pour qu'elle ne s'enfuit pas ». Elle fait la même taille que Jiale, c'est donc une femme frêle et timide que le garçon prend immédiatement en grippe. Il fait tout pour faire craquer la nounou. Ils doivent dormir dans la même chambre mais il sort du lit au milieu de la nuit pour aller avec ses parents. Il fuit à la sortie de l'école quand elle vient le chercher. Il refuse de manger les plats qu'elle prépare. Le parfait petit crétin fait payer à sa mère le manque de confiance qu'il place en lui.

Un incident va changer le court des choses. Le gamin se casse un bras et Terry est obligée de s'occuper intimement de Jiale. L'enfant va se mettre littéralement à nu devant la nounou. Mais également figurativement, et cela provoque un changement. De la même manière, la situation se modifie pour Terry. On apprend au court d'un discret dialogue qu'elle est une jeune maman et qu'elle a laissé son fils aux Philippines pour gagner un peu d'argent qu'elle compte envoyer régulièrement. D'une certaine manière, la situation est symétrique : Jiale se sent abandonné par sa mère et Terry, qui a quitté son fils s'occupe, par procuration, de Jiale. Petit à petit, on change totalement d'avis sur l'enfant qui énervait d'abord et pour lequel on éprouve ensuite de la tendresse.

Ilo Ilo aborde avec une grande pudeur les rapports entre les enfants et les parents, ces derniers étant convaincus que Jiale ne comprend rien à leurs histoires d'adultes, comme le chômage, l'absence d'argent, le poids de la famille. Anthony Chen, par fines touches (et sans aucune musique, en filmant quelques regards entre les personnages. Les gros yeux de cette mère, parfois un peu raciste, jalouse de l'amitié entre son fils et la nounou. Le regard constamment triste de Teresa. La colère sourde du père épuisé par les galères continuelles au boulot comme dans la famille. L es yeux moqueurs et parfois inquiets pour l'avenir de ce garçon qui en une année aura grandi plus vite que les autres.

Ilo Ilo (爸妈不在家, Singapour, 2013) Un film d'Anthony Chen avec Yeo Yann Yann, Chen Tianwen, Angeli Bayani, Jo Kukathas.

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