lundi 5 août 2013

Ip Man, the final fight


Cinquième film sur Ip Man, sorti près de trois mois après The Grandmaster de Wong Kar-wai, Ip Man, the final fight suit les années du maître des arts martiaux à Hong Kong où il débarque seul et sans le sou en 1950. Herman Yau avait évoqué la jeunesse du personnage dans La Légende est née, Ip Man avec Dennis To dans le rôle titre. C’est désormais Anthony Wong qui incarne Ip Man à la fin de sa vie. Il mène un train de vie modeste dans un petit appartement où il vit avec son fils Chun. En ouverture du film, Chun signale qu’un de ses anciens disciples (dont le nom n’est pas prononcé mais on a reconnu Bruce Lee), fait une démonstration de Wing Chun à la télé. Ip Man continuera d’arroser ses plantes sur le balcon, ne détournera pas la tête. Le film commence donc en 1971 et le fils, en voix off dans un long flashback, devient narrateur de la vie de son père.

Exilé, il doit trouver un logement. Il lui sera fourni par Leung Sheung (Timmy Hung, le fils de Sammo) qui, décide de devenir son disciple. Il sera accepté après un superbe combat dans le salon entre les deux hommes. Ip Man pose un journal sur le sol et se place dessus. Si Leung Sheung peut déloger Ip Man, il deviendra son élève. Le combat est très simple, corps à corps entre les deux hommes, échanges de coups de bras filmés sans esbroufe par Herman Yau. Ip Ma, the final fight ne cherche pas à chorégraphier à outrance, contrairement aux films de Wilson Yip et de Wong Kar-wai. Anthony Wong a son âge (52 ans au moment du tournage) et il serait ridicule de le voir sauter sur des tables ou des rondins de bois pour affronter ses adversaires. L’objectif est de rendre son parcours le plus réaliste possible et d’effacer l’héroïsme et le romantisme.

Il devient donc un simple professeur d’arts martiaux, installé sur le toit de l’immeuble. Ses élèves viennent de différents milieux et ont diverses raisons d’apprendre le Wing Chun. Jordan Chan est Tang Sing, un modeste policier qui espère monter en grade sans se corrompre. Gillian Chung est Chan Sei-mui qui épousera Wong Tung (Chow Ting-yu), qui fera des combats de boxe clandestins pour gagner de l’argent. Jiang Luxia est Lee King. Tous ont des problèmes qu’ils tentent de résoudre avec les leçons du maître. Mais parfois, leur impulsivité et leur manque de discipline les font détourner de la vision strictement défensive qu’Ip Man a des arts martiaux. Ils les grondent comme des enfants quand ils se battent après avoir perdu aux jeux de hasard. Le film décrit avec détails la vie à Hong Kong dans les années 1950, la pauvreté, la précarité et la répression d’une grève par les Britanniques.

Les soucis d’Ip Man ne sont pas oubliés. Il a laissé son épouse Wing Sing (Anita Yuen) et son fils en Chine. Elle pourra faire un séjour à Hong Kong puis retournera en Chine chercher leur fils. Jamais Ip Man n’aura l’occasion de revoir sa femme. Mais jamais il ne s’énervera, ne se plaindra de son sort, montrant bien la différence avec ses disciples toujours à râler. La grande compassion du maître sera mise en avant par ses rapports avec Miss Jenny (Zhou Chouchou), une chanteuse de cabaret, toujours vêtue de superbes robes colorées. Il se prend de sympathie pour cette femme que tous ses élèves méprisent compte tenu de sa profession. La tension et la rancœur sont palpables lors d’un repas d’anniversaire où personne n’adresse la parole à Jenny. Personne ne semble avoir retenu les leçons prodiguées par Ip Man.

Il faut également évoquer les adversaires d’Ip Man. L’un est son alter ego. Eric Tsang incarne Ng Chung, un maître d’une école concurrente d’arts martiaux. Dix ans après Infernal affairs, il est amusant de retrouver le duo d’acteurs et de les voir combattre comme s’ils étaient de jeunes gens. C’est aussi plaisant de revoir Hung Yan-yan dans un rôle de méchant balafré. Il est Dragon, le chef d’un quartier où toutes les lois sont bafouées, où la police ne rentre pas et où les combats de boxe illégaux sont organisés. Il tente, avec l’aide de Tang Sing, désormais passé dans le camp des policiers corrompus, de truquer une parade du dragon en faisant affronter son bras droit (Ken Lo) et Ng Chung. Ce dernier recevra le soutien d’Ip Man malgré leurs différents.

Ce qui plait et séduit le plus dans Ip Man, the final fight est la modestie du projet. La volonté d’Herman Yau, de sa scénariste Erica Li et des chorégraphes des combats Li Chung-chi et Sin Kwok-lam (le premier a commencé avec Jackie Chan, le second a travaillé sur La Légende est née, Ip Man et Qiu Jin, la guerrière) est de ne jamais séparer les moments de bravoure du quotidien des personnages. Inutile de préciser que les acteurs sont tous magnifiques. Malgré un aspect un peu théâtral, le film gagne ainsi en équilibre et en cohérence, laissant de côté les écueils vus dans les autres Ip Man, le nationalisme rance chez Wilson Yip et l’esthétisation à outrance chez Wong Kar-wai. Herman Yau décrit une personnalité débarrassée de la légende pour mieux réécrire la légende. C’est un tour de force de cinéma.

Ip Man, the final fight (葉問終極一戰, Hong Kong, 2013) Un film d’Herman Yau avec Anthony Wong, Anita Yuen, Eric Tsang, Gillian Chung, Jordan Chan, Jiang Lu-xia, Timmy Hung, Zhou Dingyu, Rose Chan, Hung Yan-yan, Liu Kai-chi, Ken Lo, Wong Cho-lam, Yip Chun, Kevin Cheng.

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