mardi 9 juillet 2013

Drug war


Un car qui transporte des passagers aux estomacs remplis de boulettes de drogue. Un camion qui passe de l’amphétamine. Un trafiquant qui perd le contrôle de sa voiture et s’écrase dans un magasin. L’ouverture de Drug war, premier polar de Johnnie To (produit et co-écrit par Wai Ka-fai) tourné entièrement en Chine, va droit au but. La drogue cherche par tous les moyens à traverser la frontière pour se répandre dans la République populaire. Dans le même mouvement, le cinéaste hongkongais apporte son savoir faire et son ambiance unique en Chine en traversant la frontière entre les deux pays. La question immédiate que l’on se pose : Drug war parviendra-t-il à abolir les limites de la censure chinoise en parlant de drogue, de policiers et de mafia, sujets ultra sensibles ?

Ce trafiquant, bave aux lèvres et couverts d’ecchymoses est Timmy Choi (Louis Koo). Son laboratoire clandestin, situé au beau milieu de la campagne chinoise, a explosé, tuant sa femme et deux de ses hommes. Son accident de voiture, filmé par les nombreuses caméras de surveillance, l’a conduit à un hôpital. Là, il doit faire face aux interrogatoires du lieutenant Zhang (Sun Honglei), chargé de la répression du trafic de drogues et de sa fidèle assistante Xiaobei (Crystal Huang). Il se tait d’abord. Son téléphone n’arrête pas de sonner et de délivrer des messages codés. Or Timmy risque la peine de mort et préfèrera collaborer avec la police pour réduire sa peine. Ensemble, ils vont partir en mission : démanteler le réseau que Timmy a lui-même mis en place.

Timmy va mettre en scène Zhang qui va se faire passer pour Chang devant le bien nommé Haha (Hao Ping). Chang (Tan Kai) est l’homme de main de l’oncle Bill (Li Zhenqi), qui doit acheter de l’héroïne pour la vendre en Corée et au Japon. D'abord trouver le costume de mafieux à Zhang. Puis, choisir le décor : un hôtel de luxe. Haha passe son temps à rire très fort et Chang a, au contraire, un visage impavide. La rencontre s'improvise comme une répétition de la scène qu’il faudra ensuite à nouveau interpréter. Zhang incarne cette fois Haha devant Chang et Xiaobei sera la petite amie frivole de Haha. Zhang doit jouer deux rôles opposés, se rappeler de chaque détail de ses personnages tout en surveillant Timmy qui, lui-même, le guide. Le public ne sera pas seulement constitué des spectateurs du film mais aussi de tous les policiers qui surveillent par caméra la chambre d’hôtel.

La tension, amplifiée par la superbe musique de Xavier Jamaux, est subtilement portée à son paroxysme. Il faut avouer que Johnnie To prend un malin plaisir à faire s’échanger les rôles à ses personnages et à créer des méandres qui menacent chaque fois de perdre le fil du récit. On retrouve les deux conducteurs du camion d’amphétamines, deux abrutis finis qui se sont servis dans la cargaison que Timmy va copieusement rosser. On découvre un deuxième laboratoire tenu par des muets qui se révèlent être de furieux manipulateurs de fusils en abattant la moitié des hommes de Zhang. Séquence magnifique de brutalité où les visages des deux muets (Guo tao et Li Jing) passent de la jovialité lors de leur retrouvaille avec Timmy (la célébration de la mort de son épouse où de vrais billets sont brûlés) à la fureur sourde. Chaque fois, Timmy garde la main sur le récit, Zhang n'est qu'une marionnette bien qu'il croit être le meneur de jeu.

Les personnages interprétés par les acteurs de Hong Kong sont tous de trafiquants de drogue. Outre Timmy (Louis Koo est remarquable, portant constamment un sparadrap sur le visage), plusieurs fidèles de Johnnie To et de la Milkyway sont de la partie : l’inévitable Lam Suet qui marmonne des mots en anglais, Lam Ka-tung et Michelle Ye en Bonnie et Clyde, Eddie Cheung, entre autres. Ils forment les bras droits de Timmy qui doivent organiser le trafic. Ils n’arrivent que dans le dernier tiers de Drug war mais leur partition, l’attention que leur porte le cinéaste et le caractère pince sans rire de leur personnage (un humour glacial est constant dans le film) les rend plus vivants que tous les policiers chinois. C’est là sans doute qu’est le plus grand pied de nez de Johnnie To : remplir son contrat de faire un film contre la drogue tout en égratignant la raideur de la justice et de la police de la Chine et en s’offrant le luxer de filmer l’un des plus beaux gunfights finaux vus depuis bien longtemps.

Drug war (毒戰, Hong Kong – Chine, 2013) Un film de Johnnie To avec Louis Koo, Sun Honglei, Crystal Huang, Hao Ping, Gan Ting-ting, Michelle Ye, Lam Suet, Wallace Chung, Gao Yun-xiang, Xiao Cong, Li Guang-jie, Yin Zhu-sheng, Lo Hoi-pang, Eddie Cheung, Lam Ka-tung, Wang Bao-qiang, Guo Tao, Cheng Tai-shen, Li Jing, Hai Qing, Tan Kai.

Aucun commentaire: