dimanche 23 juin 2013

Adrift in Tokyo



Les cheveux ébouriffés, une barbe de trois jours, la clope au bec, Fumiya (Jô Odagiri) est un étudiant qui préfère glander qu’aller étudier le droit. Il reçoit un jour la visite d’un recouvreur de dettes qui vient réclamer 800000 yens. Orphelin et sans amis, il ne connait personne qui pourrait lui permettre de rembourser sa dette. Il lui laisse trois jours pour trouver l’argent mais le jeune homme continue de glander. Quand Fukuhara (Tomokazu Miura) revient chercher son pognon, il fait une étrange proposition à Fumiya : contre un million de yens, il doit l’accompagner au poste de police. Il veut avouer avoir tué sa femme et veut se rendre à la justice. Seulement voilà, le trajet jusqu’au commissariat ce fera à pied et va durer plusieurs jours. Adrift in Tokyo se lance et la longue promenade des deux hommes dans Tokyo démarre.

Ce qui amuse d’abord dans ce duo bigarré est l’allure de Fumiya et de Fukuhara. Ce dernier a troqué ses chaussures de ville pour des baskets blanches toute neuves qui jurent avec son long manteau et son petit sac en bandoulière. Et surtout cette coupe de cheveux en mulet rend son personnage parfaitement ridicule tout en établissant la crédibilité de son statut de créancier. Fumiya, quant à lui, arbore un pantalon trop court pour lui qui lui donne un air d’éternel adolescent et une vilaine chemise rouge vif. La nuit, il porte un pyjama trop grand pour lui et qui contraste avec son âge. L’un des premiers plaisirs du film est ce duo qui fonctionne parfaitement, chaque acteur donnant à l’autre la réplique sans chercher à se voler la vedette. Et pendant ce temps, les collègues de l’épouse assassinée se demandent pourquoi elle n’est pas venue au travail et décident d’aller chez elle.

La promenade est superbement nonchalante, allant au rythme de la marche à pieds et permet, au fil des rues, de découvrir la ville et de rencontrer des gens. Ici, une vieille copine de Fumiya qui va se déguiser pour une soirée Cosplay, là, une connaissance de Fukuhara au visage triste qui peint des tableaux sur la bataille du pacifique, plus loin un guitar man excentrique, un vendeur de futon très en colère et régulièrement, ils croisent la route de l’acteur Ittoku Kishibe dans son propre rôle. Le film aurait pu être décousu avec cette forme en sketchs mais le cinéaste parvient, au contraire, à lier son récit. Chaque saynète permet de mieux connaitre les deux protagonistes qui révèlent leur personnalité et de balayer les clichés, de connaitre leur passé avec de très courts flashbacks et d’entrer en empathie avec eux. Ils s’arrêtent régulièrement pour manger un bout ou dormir, moments idéaux pour discuter

Cette dérive dans Tokyo fait parfois penser à certains films de Nagisa Oshima (Journal d’un voleur de Shinjuku par exemple) avec cette idée que la ville n’appartient plus qu’à Fumiya et Fukuhara, que plus rien d’autre que cette promenade ne compte et qu’elle pourrait durer encore et encore. Mais la fin arrive et avec elle, le commissariat. Les deux hommes commencent à s’apprécier, à former une entente père fils qui va s’épanouir avec la longue halte chez une amie de Fukuhara. Makiko (Kyôko Koizumi), qui ignore tout du dessein du voyage, va les accueillir chez elle et jouer à la maman pour Fumiya et à l’épouse pour Fukuhara devant Fufumu (Yuriko Yoshitaka), sa jeune nièce immature qu’elle héberge. Cette longue séquence où une famille se crée de toutes pièces est tout à la fois pleine de surprises, drôle et terriblement triste. La balade de Adrift in Tokyo procure une émotion revigorante et un plaisir constant.

Adrift in Tokyo (転々, Japon, 2007) Un film de Satochi Miki avec Jô Odagiri, Tomokazu Miura, Tomokazu Miura, Kyôko Koizumi, Yuriko Yoshitaka, Kumiko Asô, Eri Fuse, Kami Hiraiwa.

Le DVD de Adrift in Tokyo sort le 25 juin 2013 chez Spectrum Films.

Aucun commentaire: