dimanche 5 mai 2013

Journey to the West : Conquering the demons


Stephen Chow est de retour, cinq ans après CJ7. De retour derrière la caméra avec un nouveau comparse, Derek Kwok (auteur de l’excellent Gallants), mais pas en tant qu’acteur (dommage, mais sans doute pour ne pas faire de l’ombre aux autres acteurs tous très bons). On n’a pas compté les fausses annonces depuis son dernier film sur les projets de Stephen Chow : suites de ses différents films (au choix, King of comedy, Shaolin soccer ou Crazy kung-fu), aucun projet n’a abouti. On a cru qu’il avait fait une courte apparition dans les films chinois historiques sur Mao, Founding of a republic et Beginning of the great revival, en vain. Pour l’admirateur que je suis de Stephen Chow, l’attente a été très longue. C’est d’ailleurs un phénomène assez intéressant de constater ainsi l’absence d’une des plus importantes stars du cinéma de Hong Kong pendant des années. Mais voilà, Journey to the West : conquering the demons est enfin là, et bien là, proposant une nouvelle vision de l’histoire du Roi singe (la pérégrination vers l’ouest) de Wu Cheng-en.

Les deux personnages principaux, d’une part Chen Xuanzhang (Wen Zhang) et d’autre part Duan (Shu Qi) se rencontrent dans un petit village de pêcheurs où un homme vient de se faire avaler par un démon aquatique. Un prêtre taoïste prétend pouvoir le chasser. Armé de son sabre de bois, il lance dans le lac une bombe qui fait exploser une raie géante montrée comme ce démon. Il reçoit un joli paquet d’argent de la part des villageois qui voient en lui un sauveur. Seulement voilà, Chen Xuanzhang débarque à ce moment-là, affirme que le démon est encore là, contredit le taoïste et donc le village qui préfère croire le charlatan. Notre homme est attaché et, bien entendu, le démon poisson attaque et dévore d’autres victimes, y compris la petite fille du premier homme chassé. C’est à ce moment précis, tandis qu’il tente de leur donner des conseils sur le monstre, que Duan apparait et vient à sa rescousse. Chacun est un chasseur de démons, mais aux méthodes bien différentes. Duan est pour la méthode forte, attaquer et détruire le démon puis récupérer l’argent, Chen Xuanzhang est moins vénal, croit à la rédemption des monstres et leur chante des comptines enfantines, suivant la discipline de son gentil sifu, un gros chauve portant perruque.



Cette séquence d’introduction (un quart d’heure quand même) est la plus belle ouverture de film vue depuis des lustres. Les effets spéciaux sont maîtrisés, le comique est varié (situation avec la bêtise des villageois, gags visuels sur les trognes des personnages), suspense, action. Tout concours à faire de cette première partie, d’une beauté sidérante, un sommet de mise en scène. Le plus formidable dans Journey to the West : conquering the demons est que cette beauté formelle se poursuit avec la rencontre d’un autre démon (un cochon qui tue ses victimes dans le restaurant qu’il tient), d’abord présenté comme un homme au si doux sourire, se déplaçant comme dans un opéra chinois. Deuxième rencontre entre Chen Xuanzhang et Duan, deuxième séparation. Et encore une troisième attaque de démons dans la forêt, et une nouvelle galerie de personnages hauts en couleurs, à la fois les comparses de Duan dans un tank extravagant et d’autres chasseurs de démons prétentieux et vaniteux. Le pouvoir comique est à son paroxysme, Stephen Chow et Derek Kwok ironise sur la légende, en fait le commentaire critique en montrant des personnages peu glorieux. On retrouve les acteurs de Crazy kung-fu, Xing Yu et Chiu Chi-Ling et Chrissie Chow en atout beauté.

La première heure du film est donc l’un des plus belles choses vue au cinéma récemment, pleine de surprises et qui montre que Stephen Chow reste le meilleur cinéaste actuel à Hong Kong. Je n’ai pas encore parlé de la romance qui se noue tout au long du film entre Chen Xuanzhang et Duan. Leurs méthodes dans la traque des démons s’oppose autant que leur vision de l’amour (physique contre spirituelle). Elle quémande sans cesse un baiser qu’il lui refusera chaque fois, prétendant vouloir accéder à l’amour suprême. Duan a comme arme magique un anneau qui se démultiplie et qui fait exploser les démons, elle fera de cet anneau une bague pour Chen Xuanzhang, bague qu’il refusera de porter par stricte obédience au bouddhisme. Le problème pour Duan est que Chen poursuit sa quête, celle du titre du film, de convertir les démons en bonne personne, donnant un film un aspect de récit initiatique mais aussi de description de la jeunesse du personnage de Tripitaka (Chen possédant toutes se facultés). La rencontre avec le roi singe (Huang Bo), prisonnier depuis cinq siècles dans une caverne, va transformer le récit en orgie d’effets spéciaux plus proche des jeux vidéo actuels que de la poésie bigarée vue jusqu’à présent. On sent l’intention du duo de cinéastes de reproduire, en plus fort, en plus sombre et en plus long, la séquence finale de Crazy kung-fu (Huang Bo est d’ailleurs coiffé comme Bruce Leung). Cette réserve étant faite, il faut reconnaitre, encore et encore, que Journey to the West : Conquering the demons est un divertissement d’une si grande qualité, réservant de belles surprises, appuyé par la belle musique de Raymond Wong Ying-wah, que j’espère que Stephen Chow ne va pas encore mettre cinq ans pour faire un autre film.

Journey to the West : Conquering the demons (西遊.降魔篇, Hong Kong – Chine, 2013) Un film de Stephen Chow et Derek Kwok avec Shu Qi, Wen Zhang, Chrissie Chow, Xing Yu, Lee Sheung-ching, Huang Bo, Show Luo, Law Chi-cheung, Stephen Fung, Tong Liya.

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