mardi 26 mars 2013

La Chanson de la lanterne


C’est peu de dire que Mikio Naruse a une passion immodérée pour le spectacle et les artistes. Joueuse de shamisen (Après notre séparation, Trois sœurs au cœur pur, Tsuruhachi et Tsurijiro), actrices (Sans lien de parenté, L’Actrice et le poète), comédiens (Acteurs ambulants) peuplent bon nombre de ses films des années 1930-1040. La Chanson de la lanterne tresse son mélodrame autour de la fâcherie entre un père et son fils, tous deux acteurs de théâtre Nô. Lors d’une tournée, le père Genzaburo Onchi (Ichijirô Oya), artiste réputé, bannit son fils Kitahachi (Shôtarô Hanayagi) pour avoir provoqué la mort de Sozan (Tadao Murata), un masseur aveugle qui se vantait d’être un interprète remarquable. Venu l’écouter chez lui, Kitahachi a voulu marquer le rythme en frappant sa cuisse et Sozan a perdu le fil de sa chanson. Il a préféré se suicider que vivre dans la honte, laissant sa fille Osode (Isuzu Yamada) seule et sans argent. Le père non seulement ne veut pardonner à son fils cet impair de vanité mais il lui interdit de pratiquer le chant et la danse, perdant ainsi son mode de subsistance.

Deux ans plus tard, Kitahachi est à la rue. Pour gagner un peu d’argent, il joue du shamisen (la guitare traditionnelle) dans le quartier des geishas. Là, il rencontre Jirozo (Eijirô Yanagi) et qui le convainc de faire équipe avec lui. Au fil des confidences, ils se rendent compte qu’ils connaissent tous les deux Osode. Dans un court flash-back, Jirozo raconte que sa belle-mère l’a vendue comme geisha et que son sort la fait pleurer chaque soir. Kitahachi décide de la retrouver. Il se considère comme responsable de son sort et est hanté par la vision fantomatique de Sozan qu’il imaginer déambuler dans la rue. Dans le même temps, Genzaburo continue ses tournées de théâtre de Nô. Il a remplacé son fils au chœur par un interprète qui n’a pas le talent de Kitahachi et qu’il critique vertement. Il n’entend pas les recommandations de son frère Genichi (Eiichi Seto), personnage qui agit comme la bonne conscience de Genzaburo, prodiguant des conseils toujours bons mais qu’il ne suit pas forcément. Jirozo incarne ce même genre de personnage vis-à-vis du fils.

La Chanson de la lanterne suit dans sa deuxième moitié la rédemption de Kitahachi, toujours rongé par le remord. Il rompt sa promesse pour apprendre les techniques ultra codifiées du Nô à Osode. Il va lui enseigner son savoir sans révéler sa véritable identité. Chaque jour, ils se retrouveront dans une clairière, loin de l’agitation et des effets pervers de la ville. Chacun acquerra une nouvelle pureté. De plus, ils finissent par tomber amoureux l’un de l’autre mais les circonstances, leurs positions sociales et le serment du jeune homme les empêchent, temporairement, d’assouvir leur amour. Par un concours de circonstance que l’on ne trouve que dans le mélodrame, le père et l’oncle vont se retrouver précisément dans l’établissement où Osode travaille. La scène finale provoque une immense émotion avec la danse à l’éventail d’Osode que Mikio Naruse filme avec des travellings d’une grande douceur. La polyphonie des voix de Kitahachi, de son père et le tambour de l’oncle Genichi accompagne cette représentation de Nô.

La Chanson de la lanterne (歌行燈, Japon, 1943) Un film de Mikio Naruse avec Shôtarô Hanayagi, Eijirô Yanagi, Ichijirô Oya, Kan Ishii, Isuzu Yamada, Eiichi Seto, Tadao Murata, Ichirô Minami, Keitaro Yoshioka.

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