jeudi 8 novembre 2012

Duel to the death




Un temple Shaolin au milieu d’une forêt est attaqué par une horde de ninjas. La couleur orange affronte le noir dans un enchevêtrement de plans qui, très rapidement, deviennent un défi à la capacité de la perception rétinienne. Pour la première séquence de son premier film, Ching Siu-tung (sans l’aide de Tsui Hark, il faut le rappeler et le préciser) démarre très fort avec un combat au montage saccadé en plans serrés où l’on devine les corps plus qu’on ne les voit. Ces corps traversent l’écran panoramique, défient non seulement les lois de la gravitation en volant dans les airs, y compris pour décoller du sol jusqu’au toit (en montant à l’envers le plan) mais également le réalisme. Les moines Shaolin font exploser littéralement les ninjas.

A l’extérieur du temple, la tempête, à l’intérieur, le plus grand calme. Le vieil abbé (Yeung Chak-lam) mène une prière avec l’un de ses disciples, le sabreur Bo Ching-wan (Damian Lau) qui ronge son frein de ne pas pouvoir quitter la prière et aller se battre contre les ninjas. Finalement, il sera libéré par le moine et sortira défendre le temple. Le deuxième combat de Duel to the death est plus classique, sabre contre sabre, la caméra captant en plan d’ensemble, montrant les adversaires de plein pied. Les sabres cliquettent et les étoffes volettent avec ces sons si particuliers des wu xia pian de Hong Kong. Ching Siu-tung invente un nouveau style à partir des bases classiques qu’il transforme et modernise.

La suprématie du style d’art martial est l’argument central de Duel to the death : le style chinois est-il supérieur au style japonais ? Bo Ching-wan doit affronter le meilleur sabreur japonais, Hashimoto (Norman Chu). Le duel à mort qui déterminera le vainqueur aura lieu dans la demeure de Hsia-hou (Paul Chang), maître de la technique de l’Epée Sacrée, art martial oublié et dépassé par celui de Shaolin. Traditionnellement, le duel se déroule dans son domaine. Sa fille, Sheng Nan (Flora Cheung) rêve de pouvoir se battre mais les combats sont réservés aux hommes. Elle rencontre Bo Ching-wan lors des festivités liées au duel. Dans un village, elle défend un marionnettiste qui brocarde les Japonais. A la différence de nombreux wu xia pian et notamment ceux de King Hu auxquels Ching Siu-tung se réfère, le personnage féminin se veut l’égal de l’homme et pas seulement son imitation.

Logiquement, le film se place sous le signe du double. L’ambition est de faire coïncider deux formes, l’une classique avec un scénario banal autour d’un affrontement entre deux écoles de combat, chacune allant de son nationalisme et Ching Siu-tung les mettant dos à dos, l’autre plus avant-gardiste en proposant des images rarement vues et une mise en scène dynamique, expérimentale et souvent poétique. Les images de ninjas volant dans la forêt transportant des palanquins, une armée de combattants tels des oiseaux, les membres du jury du duel tous ligotés dans une cave sombre pris dans une toile d’araignée, Bo Ching-wan tentant de les sauver et qu’une lumière se pose sur lui après avoir été placé dans le noir complet. Tous ces éléments créent une atmosphère assez proche du chambara tel que Kenji Misumi a pu l’aborder dans la série des Baby Cart.

Les deux adversaires se ressemblent physiquement, les deux acteurs ont des cheveux longs, mais leurs vêtements s’opposent. Bo est en blanc et Hashimoto est en noir. Au fil du film, le Japonais va commencer à porter une tunique blanche tandis qu’il se rend compte que Kenji (Eddy Ko), le moine qui le guide s’avère être un traitre. Hashimoto refuse l’idée de trahison et veut un combat loyal. Les deux adversaires vont s'apprécier jusqu'à se ressembler. Les deux moines s’opposent également moralement. La plus belle dualité de personnalité est celle des maîtres des deux combattants. Celui de Hashimoto est austère, sévère et traditionnel. Il pratique la magie pour son entrainement. Celui de Bo est jovial et loufoque, rappelant le personnage de Simon Yuen dans Drunken master. Avec son perroquet, il glisse de branche en branche tel un singe. C’est une grande bouffée d’humour qui étonne autant qu’elle ravit dans un film qui se plait à retourner tous les clichés du wu xia pian.

Duel to the death (生死決, Hong Kong, 1982) Un film de Ching Siu-tung avec Norman Chu, Damian Lau, Flora Cheung, Paul Chang, Eddy Ko, Yeung Chak-lam, Kwan Yung-moon, Casanova Wong, Hon Gwok-choi.

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