dimanche 9 octobre 2011

Les Rebelles du Dieu Néon


Dès le premier film de Tsai Ming-liang, on retrouvait cette eau si envahissante, ce rythme si lent, ces plans séquences pris avec une caméra fixe de l’autre bout de la pièce, cette absence de dialogues ; bref, tout ce que l’on connait du style du cinéaste taïwanais. Les Rebelles du Dieu Néon est essentiellement filmé de nuit, avec cette luminosité qui donne une étrangeté à la ville. La solitude du jeune Xiao Kang (Lee Kang-sheng) est au centre du film. Il est lycéen, mais n’en a rien à foutre de ses études. Il vit chez ses parents (Miao Tian et Lu Yi-ching, trio familial que l’on retrouvera dans les films suivants) mais ne s’entend pas avec eux.

Xiao Bang passe ses journées à jouer et rentre la nuit tombée chez lui. Il dépense l’argent récupéré de son inscription à la boite à bac. Il se promène en scooter et son véhicule sera mis en fourrière pendant une de ses journées d’oisiveté. Il va devoir marcher, il va croiser son père chauffeur de taxi, son père lui propose d’aller au cinéma, il ne répond même pas. Rien de passionnant dans cette vie. Tous ces micro-événements composent un personnage velléitaire, passif et ennuyeux. Jusqu’au jour où Che (Jerry Chan) pète le rétroviseur du taxi du père alors qu’il passe en moto à côté d’eux. Xiao Bang a trouvé une raison de vivre : rencontrer Che et devenir son ami.

Ce qui se passe vraiment dans la tête de Xiao Bang, on ne le saura jamais vraiment. Est-il tombé amoureux de lui ou veut-il juste un modèle d’homme ? Xiao Bang va se faire stalker, il va parvenir à retrouver Che. On avait déjà rencontré ce jeune homme dès le début du film, avec son pote (ou son frère) Ping (Ren Chang-bin) qui désossait une cabine téléphonique pour en récupérer la monnaie. Ils draguent la même fille Kuei (Wong Yue-man) qui bosse dans une patinoire. Ils passent leur temps ensemble, ils flânent, les garçons essaient de coucher avec elle, chacun à leur tour. Ils volent, de nuit, des plaques de jeux vidéos pour les revendre mais se font prendre, ils se font tabasser par le propriétaire qui s’est fait voler.

C’est finalement la frustration qui guidera Xiao Bang. Quand il voit Che draguer Kuei, il va les suivre et déchiqueter la moto de Che, casser la garde boue, tagguer AIDS à la bombe. Sous une pluie battante, il rentre chez ses parents qui le virent. Il loue une chambre d’hôtel en face de l’appartement de Che. Il pourrait observer l’objet de son attraction et il pense qu’il pourra le consoler de cette agression sur sa moto, comme si de rien n’était. Toute cette violence des sentiments, cette frustration sexuelle, cette solitude du quotidien est pourtant filmée avec une grande douceur. Parfois, une musique basique (clavier et basse sourde) accompagne les errements des personnages (la musique sera très rare dans ses films suivants). Tsai Ming-liang rend cette tristesse infiniment belle et c’est bien cela le plus troublant.

Les Rebelles du Dieu Néon (Rebels of the Neon God, 青少年哪吒, Taïwan, 1992) Un film de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng, Jerry Chan, Wong Yue-man, Ren Chang-bin, Miao Tian, Lu Yi-ching, Lu Hsiao-lin.

Aucun commentaire: