jeudi 19 mai 2011

Happy together



Comme Chungking Express, je n’avais pas vu Happy together depuis sa sortie modeste entre Noël et le Jour de l’an en cet hiver 1997. Wong Kar-wai avait reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1997. Cette année-là est celle de la rétrocession de la colonie britannique à la Chine et c’est tout naturellement que le scénario parle d’un voyage à l’autre bout du monde, loin de Hong Kong, à Buenos Aires et encore plus loin, au Nord aux cascades d’Iguazu ou au sud à Ushuaia. Le but est de fuir sans que l’on ne sache pourquoi les personnages fuient, si ce n’est pour reprendre leur vie à zéro.
Deux amants, une voiture, un lieu désert. Po-wing (Leslie Cheung) et Yiu-fai (Tony Leung Chiu-wai) se disputent. Ils se sont perdus en chemin et n’arriveront jamais à destination. Leur couple ne tient pas la route, mais est-on sûr qu’ils sont vraiment en couple. Ils semblent être deux pôles que tout oppose mais comme un aimant, ils sont complémentaires. Cette première partie de voyage, filmée dans un noir et blanc sépia qui évoque un flash-back. Cette errance, métaphore de l’inconnu avant le rattachement à la Chine, s’interrompt brusquement. Le seul souvenir qu’ils ramènent de ce périple est une lampe qui reproduit la cascade.
Retour en ville après leur première séparation. Une longue série de séparations. Fai fait des petits boulots. Il accueille des touristes asiatiques (les harcèlent plutôt) pour qu’ils viennent dans l’hôtel qui l’emploie. Po-wing lui a piqué tout son fric, il ne peut pas bouger. La couleur est arrivée, couleurs criardes aux teintes chaudes, rouge et jaune. Et un jour, Po-wing revient, leur romance reprend. Ils s’embrassent, ils apprennent à danser le tango, ils se caressent. Po-wing reproche à Fai son boulot minable mais est bien content de profiter de sa paie. Leurs disputes sont quotidiennes. Fai dort sur le canapé, Po-wing dans le lit.
Tout est prétexte à des engueulades. Po-wing se fait tabasser un soir où il va draguer. Mais il est vert de jalousie de Fai. Quand ce dernier va lui acheter une cartouche de clopes, Po-wing s’énerve, les balance à terre et quitte le minuscule appartement en claquant la porte. Fai change de boulot, il bosse dans un restaurant chinois à Buenos Aires. Il appelle au téléphone toutes les cinq minutes Po-wing qui s’est blessé aux mains et ne peut rien faire. Il devient de plus en plus jaloux d’autant que Fai sympathise avec Zhang (Chang Chen), un jeune taiwanais qui bosse avec lui à la plonge.
Happy together est un film entièrement autour du motif de la rupture. Les amours entre les deux hommes sont d’une grande simplicité mais Wong Kar-wai choisit de n’en filmer que les piques d’émotions, que les crises de nerf qui forment leur quotidien. Toujours ensemble parce qu’aucun d’eux ne parle espagnol, mais séparés par la force des choses : lits séparés, horaires différents et surtout, ils ne semblent pas vouloir la même chose. Ainsi après le départ définitif de Po-wing, quand Fai rencontre Zhang avec lequel il n’aura pas d’histoire d’amour, une nouvelle vie pourra commencer ailleurs, avec ce jeune homme sans doute. Cette histoire plus calme, il faut l’imaginer à la fin du film quand Fai part à Taiwan avec comme fond sonore la chanson de Frank Zappa I have been in you, morceau ô combien sexuel.
Happy together (春光乍洩, Hong Kong, 1997) Un film de Wong Kar-wai avec Tony Leung Chiu-wai, Leslie Cheung, Chang Chen.

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