mardi 17 mai 2011

Chungking Express


Je crois que je n’aime pas les films de Wong Kar-wai. C’est pour ça que je n’ai pratiquement jamais commenté son œuvre, si ce n’est As tears go by et quelques films dont il avait écrit le scénario. Donc, 17 ans après, je tente à nouveau de regarder Chungking Express. C’était le premier film de Wong Kar-wai à sortir en salles en France. L’histoire de son tournage rapide pendant les poses de celui des Cendres du temps, son wu xia pian qui l’épuisa. Un scénario improvisé filmé dans très peu de décors avec ses fidèles interprètes autour de deux histoires d’amour basiques.

Deux histoires, la nuit (Brigitte Lin et Takeshi Kaneshiro) et le jour (Faye Wong et Tony Leung Chiu-wai), les hommes sont des policiers et viennent tous les jours manger au restaurant d’un quartier populaire que tient Piggy Chan qui vante toujours les qualités de ses serveuses aux garçons célibataires (en tout bien tout honneur). Ils viennent manger là tous les jours et la voix off de Kaneshiro indique que dans quelques heures il va tomber amoureux de Brigitte Lin puis celle de Faye Wong avertit qu’elle va tomber amoureuse de Tony Leung Chiu-wai.

Le récit ne sera donc pas la force première du film puisque même les protagonistes annoncent ce qu’il va se passer. L’important c’est les images, les plans, les clichés, d’aller vite quitte à ne rien raconter. Le film est constitué d’une suite de détails qui forment la psychologie des personnages, dans une idée de scénario impressionniste. Le problème majeur du film est de se rappeler tous ces détails pour en avoir une vision globale. L’aspect visuel dans la scène d’ouverture où Takeshi Kaenshiro court après quelqu’un, dans un accéléré ralenti, accentue cet aspect impressionniste avec ses touches de couleurs bleues.

Brigitte Lin est blonde aux cheveux longs, lunettes de soleil constamment sur le nez. Elle organise un trafic de cocaïne avec des Indiens comme mulets. Les Indiens la planteront à l’aéroport. Valerie Chow est l’ex de Tony Leung Chiu-wai. Elle est hôtesse de l’air. Dans l’appart de Leung, ils jouent ensemble à des jeux sensuels où il fait atterrir sur le dos nu de sa copine des avions miniatures. Faye Wong est brune aux cheveux courts, lunettes de soleil qui tombent sur son nez. Elle lance des petits regards furtifs sur Leung. Elle passe ses journées à écouter dans le restau California Dreamin’ à fond. Elle rêve de partir en Californie et va devenir hôtesse de l’air. Tout cela forme une allusion au désir de quitter Hong Kong alors que la rétrocession se prépare.

La musique comme moyen d’évasion est là. A la fin du film, après avoir entendu des dizaines de fois California Dreamin’, on n’en peut plus. Brigitte Lin écoute dans le bar de son ex (Christopher Doyle), toujours la même chanson sur le juke box. Dans le restau, un Indien se sert d’une carotte comme micro et chante. Les voix off participent de cette ambiance sonore où chacun exprime ses pensées en s’inventant un avenir meilleur qui passerait par le sentiment amoureux. Le personnage de Tony Leung Chiu-wai parle chez lui tout seul. Il s’adresse à son savon, aux petits avions, aux peluches qu’il peigne. La parole est libérée mais n’est jamais entendue.

Le sur-place des personnages est un fait. Leung est souvent assis, en tenue de flic au restau avec ses collègues, en slip et débardeur blancs chez lui. Takeshi Kaneshiro aime au contraire courir et attend de fêter son anniversaire le 1er mais 1994. Il ne peut pas rester en place et quand il s’amourache de Brigitte Lin, il balance vers l’inconnu pour abandonner la routine. Chaque jour, il achète une boîte de conserve d’ananas qu’il mangera toutes d’un coup, un soir de déprime. Faye Wong a la clé de l’appartement de Tony Leung. Chaque jour, secrètement, elle va chez lui et déplace les objets, remplace le vieux savon, nettoie le sol, ajoute des poissons dans l’aquarium. Tony Leung Chiu-wai ne s’en apercevra pas, coincé qu’il est dans sa vie routinière.

Le mouvement et la vitesse est la marque de fabrique de Wong Kar-wai. De manière superficielle, c’est vrai. Mais, il filme l’ennui de ses personnages, leur alanguissement, leur petite vie faite de creux. Il développera ces motifs plus encore dans Les Cendres du temps son film de sabres où rien ne se passe, où rien n’évolue, dans In the mood for love où les seules choses qui bougent sont les costumes de Maggie Cheung. Wong Kar-wai est le cinéaste de l’impuissance et de l’absence de volonté.

Chungking Express (重慶森林, Hong Kong, 1994) Un film de Wong Kar-wai avec Takeshi Kaneshiro, Brigitte Lin, Tony Leung Chia-wai, Faye Wong, Valerie Chow, Piggy Chan, Kwan Lee-na, Wong Chi-ming, Leung San, Joh Chung-sing, Lynne Langdon.

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