mardi 1 février 2011

Cartes des sons de Tokyo


Comme d’autres cinéastes occidentaux (Léos Carax, Jean-Pierre Limosin, Sofia Coppola, pour le meilleur, Barbet Schroeder, Gaspar Noé, Alejandro Gonzalez Iñárritu, pour le pire), l’espagnole Isabel Coixet est allé filmer Carte des sons de Tokyo au Japon, ce qui, après Le Vie secrète des mots tourné au large de la Norvège, l’éloigne encore plus de son pays. Tout comme les cinéastes asiatiques qui viennent filmer en Europe (Hou Hsiao-hsien, Tsai Ming-liang, Nobuhiro Suwa), il existe toujours la crainte de l’exotisme, écueil quasi inévitable tant Tokyo, en l’occurrence, regorge de belles choses à filmer. Ses habitants, ses rues, son métro, ses enseignes. Coixet filme tout cela où elle pose une histoire somme toute bien mince.

Un homme d’affaire japonais, M. Nagara (Takeo Nakahara) assiste à un repas avec des clients occidentaux. Les sushis sont posés sur des femmes nues et tout le monde s’amuse bien. Son bras droit lui apprend un triste nouvelle : sa fille vient de se suicider. Fou de tristesse et de colère, il décide d’engager Ryu (Rinko Kikuchi) pour tuer David (Sergi Lopez) qui était le petit ami de la défunte. Nagara tient l’Espagnol pour responsable de sa mort. Ryu se rend au magasin que tient David où il vend du vin (la boutique s’appelle Vinidiana). David l’accueille avec tant de sympathie qu’elle ne le tue pas. Au contraire, ils se lancent dans une aventure amoureuse et sexuelle. Ce résumé que je viens de faire occupe le premier tiers du film, histoire de souligner la lâcheté du récit.

Le film est scandé par une voix off, celle d’un preneur de sons qui connait bien Ryu pour avoir souvent passé des moments avec elle dans des restaurants sans que jamais ils ne se parlent. Ce narrateur omniscient ne sait pourtant pas tout, mais il fait remarquer au spectateur que si Ryu ne tue pas David, c’est sans aucun doute parce qu’il a réussi à la faire changer. Ryu exécute des contrats mais sans en faire son métier. Dans la vraie vie, elle travaille au marché de poissons de Tokyo. Comme tout réalisateur fasciné par l’exotisme, Coixet filme attentivement les découpes de thon de manière documentaire qui contraste avec l’esthétique générale qu’elle veut donner à son film, et en particulier la première scène tout en travellings de ce repas de sushis. Coixet sait faire des mouvements de caméra, mais cela ne peut pas toujours faire office de mise en scène.

On sent très bien que l’inspiration d’Isabel Coixet est Wong Kar-wai, période glamour et Lost in translation bien entendu. Ses plans sont toujours surcadrés et élégants mais tout sonne terriblement faux. La cinéaste est autant à côté de la plaque que l’était d’ailleurs Wong Kar-wai dans son kitschissime My blueberry nights. Carte des sons de Tokyo se veut un film éminemment sensuel où l’ouïe (les sons de la ville exhaussés par le design sonore, l’un des rares aspects réussis), le goût et l’odorat (le vin rouge et les restaurants), la vue (un déluge de couleurs) sont mis en œuvre pour le plaisir du spectateur. Quant au toucher, il est présent dans les scènes d’amour entre Ryu et David qui se voudraient sensuelles mais qui laissent froid, comme à peu près tout le reste du film. A vrai dire, au bout d’une heure on se moque totalement de savoir comment va se terminer cette histoire entre une tueuse et sa proie. Il n’est guère étonnant que le film ait mis si longtemps à sortir.

Carte des sons de Tokyo (Map of the sounds of Tokyo, Espagne, 2009) Un film d’Isabel Coixet avec Rinko Kikuchi, Sergi López, Min Tanaka, Manabu Oshio, Takeo Nakahara, Hideo Sakaki.

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