mardi 23 février 2010

Love eterne


L’adaptation du célèbre roman des amants papillons produite par la Shaw Brothers est considérée comme l’un des plus grands films chinois de tous les temps. Love eterne est devenu au fil des années un classique. C’est un film chanté, en Shawscope comme on dit, dialogué en mandarin et en couleurs. C’est exactement la même histoire que celle de The Lovers de Tsui Hark et pourtant les films sont tellement différents qu’on pourrait croire qu’ils ne partent pas de la même matière première.


Zhu Ying-tai (Betty Loh) est une jeune femme modèle aimée de ses parents (Chen Yan-yan et Ching Miao) mais qui leur fait croire qu’elle refuse de s’alimenter depuis plusieurs jours. En cachette, sa fidèle servante lui apporte de quoi manger. Ying-tai veut forcer ses parents à accepter qu’elle aille faire des études alors que son père est contre et qu’il veut la marier. Ying-tai se déguise en docteur pour convaincre les parents de laisser leur fille partir faire des études. Les parents sont confondus par la supercherie et Ying-tai gagne son ticket pour l’école Ni Shan. Elle devra se faire passer pour un garçon tout au long des trois ans d’étude. Le secret devra être gardé.


Sur le chemin de l’école, Ying-tai et sa servante rencontrent Liang Shan-bo (Ivy Ling Po) et son domestique. Très vite, les deux étudiants se lient d’amitié et deviennent frères de sang. Les leçons du professeur sont celles de la Chine traditionnelle où l’on enseigne à la femme que son rôle est d’être une épouse dévouée. Cela commence à questionner Ying-tai qui ne refuse d’admettre l’inégalité entre les sexes. Elle comprend pourquoi les filles sont exclues des écoles et qu’ainsi la domination masculine se perpétue. Le garçon dans un corps de fille essaie de convaincre Shan-bo que les femmes sont les égales des hommes. Love eterne n’est pas un film féministe, loin de là, il ne revendique rien, mais ce qui étonne est que Shan-bo est interprétée par une actrice, ce qui complexifie la lecture féministe.


Love eterne est construit en trois parties distinctes. La première (45 minutes) raconte la rencontre entre les deux étudiants, leur amitié au cours des trois années d’étude. La deuxième (20 minutes) montre le retour de Ying-tai et Shan-bo dans leurs familles respectives. Shan-bo ne s’est jamais aperçu de rien, même quand Ying-tai a ses règles, il n’a pas compris pourquoi il ne se baignait jamais à la rivière. Le trajet du retour va permettre à Ying-tai de lancer des perches à son ami dont elle est tombée amoureuse. Tous les signes sont bons pour montrer que l’amour à deux est possible. Malgré les nombreuses allusions, Shan-bo ne comprend pas jusqu’à ce que Ying-tai vante les mérites de sa sœur, qui n’existe pas, qui a les mêmes vertus que lui et qu’il convainc Shan-po de se marier avec elle puisqu’elle est comme lui.


La troisième partie (45 minutes) parle de la vie de Ying-tai après ses études. Elle espère se marier avec Shan-po bien que celui-ci soit d’extraction inférieure à la famille Zhu. Mais le père a prévu que sa fille épouse un homme de sa classe sociale. Mais les deux amoureux s’aiment totalement et Shan-po tombe malade de ne pouvoir aimer Ying-tai. La seule manière pour les deux amants de s’aimer pleinement est de se réincarner en papillons. Shan-po se fait enterrer dans les montagnes du sud et Ying-tai va le rejoindre dans son tombeau. Cette dernière partie est très mélodramatique et encore plus théâtrale que le reste du film.


Love eterne est un film où les dialogues sont chantés dans leur forme classique de l’opéra chinois. Il n’y a guère que quelques dialogues qui sont parlés. Il faut un certain moment pour s’habituer au mode d’expression si radical. Toute la deuxième partie est chantée sans interruption. Les décors sont limités au cadre de l’école ou de la demeure des parents avec une caméra très mobile qui suit les gestuelles maniérées des interprètes. Les sentiments sont tous exacerbés. On ne badine pas avec l’amour. Le film propose quelques rares moments d’humour. Le récit de Love eterne fait preuve d’une fluidité exemplaire. Dans la première partie, les trois années écoulées sont montrées en une seule chanson où les saisons défilent au gré des floraisons des arbres. La poétique prend au fur et à mesure et finit par convaincre toutes les réserves possibles sur l’opéra.


Love eterne (梁山伯與祝英台, Hong Kong, 1963) Un film de Li Han-hsiang avec Betty Loh Tih, Ivy Ling Po, Yam Kit, Chen Yan-yan, Ching Miao, Lee Kwan, Cheng Miu, Ou-Yang Sha-Fei, Cheung Kwong-Chiu, Kao Pao-shu et la voix de Jing Ting.


PS : Avec ce texte sur Love eterne, classique des classiques, je passe le cap des 500 films chroniqués sur AsieVision !

Aucun commentaire: