vendredi 8 mai 2009

Conte de cinéma


Deux récits se croisent, se répondent, se chevauchent dans Conte de cinéma. Chaque récit est mis en scène de façon très linéaire et l'imbrication du premier dans le deuxième forme une histoire entière, cohérente et complète. Pour être très clair, le récit 1 est celui d'un jeune homme triste et pauvre qui rencontre une jeune fille. Ils ne s'étaient pas vus depuis deux ans. Ils commencent à sortir ensemble, mais il a du mal à produire une érection. Plutôt que de faire l'amour à sa belle, il lui propose de se suicider ensemble en avalant une tonne de somnifères. Le garçon a une maman peu aimante qui apparaît comme une des raisons de son mal être.


Récit 2 : un homme, cinéaste au chômage et sans envergure, sort d'une salle de cinéma où est donnée une rétrospective de l'œuvre d'un de ses anciens camarades de promotion. Une jeune femme était aussi dans la salle. Il s'avère qu'elle est aussi l'actrice principale du film qui vient d'être projeté. Plus personne ne lui offre de rôle. Le réalisateur du court métrage en question est quant à lui agonisant à l'hôpital. Ses anciens collègues de l'école de cinéma se collectent pour payer une opération qui permettrait de le sauver.


Je ne pense pas dévoiler un grand secret en révélant que le récit 1 est le scénario du film que l'homme voit dans le récit 2. Au fur et à mesure de Conte de cinéma, on croit même comprendre que ce récit 1 a été " volé " au cinéaste au chômage. En conséquence de quoi, ce dernier va agir dans le récit 2 comme le personnage qui retraçait sa vie, qui en passant était interprété par le cinéaste moribond en personne. J'espère que tout cela est clair pour vous.


Hong Sang-soo, à ce niveau du film, nous plonge dans Conte de cinéma, dans un récit circulaire où les répétitions, les redites et les variantes forment un puzzle qui compose la vie de ses personnages. On pense à Une sale histoire de Jean Eustache (1977) qui mettait en œuvre deux fois le même récit raconté de deux façons différentes. Dans Conte de cinéma, le récit 1 pourrait faire figure de fiction et le récit 2 de documentaire en tant qu'il reproduit une réalité concrète et divergente du récit 1.


Variantes, redites, répétitions sont les points cardinaux du cinéma de Hong Sang-soo depuis son premier film. On peut citer de nombreuses touches récurrentes qui alourdissent parfois son film. Echarpes que portent la fille et le garçon, cigarettes à fumer ou à ne pas fumer, alcool, magasin de musique, karaoké, scènes de coït. Hong Sang-soo garnit son film d'effets de miroir un peu voyants entre ses deux récits. Comme Conte de cinéma est assez léger et futile, on remarque un peu trop ses petites choses jamais laissées au hasard des yeux des spectateurs mais au contraire données comme très signifiantes. Conte de cinéma est, il faut bien le dire, une sorte de soap opéra filmé avec beaucoup de légèreté et d'ironie (on y rit souvent des malheurs des protagonistes), filmé de manière assez naturaliste comme le tout venant de la production labellisée Art et Essai. Et cette légèreté se transforme petit à petit en vraie lourdeur.


Et c'est là tout le problème du cinéma de Hong Sang-soo. On ne s'ennuie pas, il faut bien le reconnaître, en regardant Conte de cinéma. Le scénario se suit avec clarté. La mise en scène suit ses personnages. Ses mouvements de caméra ne semblent pas injustifiés, y compris les nombreux zooms qui peuplent le récit 1. Mais au bout de six films, je me demande sincèrement de quoi parlent ses films. Les histoires d'amour déçu sont aussi peu neuves que l'idée que le cinéma c'est la réalité, comme l'entendait en substance François Truffaut. Finalement, Hong Sang-soo ne nous parlent peut-être pas de la Corée, mais évoque les cinéastes qui lui sont chers et qui l'ont influencé. A ce titre, on pourrait presque dire que son film est un mélange des films de la Nouvelle Vague française.


Conte de cinéma (극장전, Corée – France, 2005) Un film de Hong Sang-soo avec Kim Myoeng-su, Kim Sang-kyung Kye, Seong-yong, Lee Ki-woo, Uhm Ji-won.

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