vendredi 29 mai 2009

Les Prisonniers du Paradis


C’est la merde qui dirige tout. C’est la merde qui donne le signal de la liberté pour Kôhei, un col blanc japonais emprisonné à perpétuité dans une prison philippine pour avoir tenté de sortir un kilo de cocaïne. La loi est sévère dans l’archipel et Kôhei a beau clamer son innocence, le juge n’en a rien à fiche. Tout le monde dit que seul l’argent pourrait lui rendre sa liberté, mais c’est faux, c’est la merde qui régit tout.


Son avocat le lâche, l’entreprise veut récupérer le million de dollars qui devait servir à corrompre un officiel pour avoir un marché. Kôhei a caché l’argent pour assurer ses arrières. Sa femme essaie de le raisonner mais il n’entend rien. Il veut se défendre légalement, clamer sa bonne foi, que le tribunal reconnaisse son innocence et que le cauchemar finisse. Il n’en sera rien. Kôhei est en prison et comme le dit le directeur, il en a pour longtemps, ce qui semble satisfaire Yoshida un autre Japonais.


L’entrée dans les geôles de Manille se fait menottes aux poignets mais en costume cravate, tout de même. Un long couloir avec des cellules bondées de prisonniers philippins qui crient, bougent et tentent de toucher les petits nouveaux. Là arrive un autre Japonais qui propose à Kôhei un logement contre un loyer. Il a droit à un lit et à certains traitements de faveur. Il va loger avec un troisième Japonais complètement fou arrêté pour pédophilie. Mais un gros problème subsiste : les chiottes. Ils sont bien dégueulasses et pas lavés. Il n’y a pas de chasse d’eau.


Alors quand Yoshida lui propose de travailler pour lui, Kôhei hésite. Le vieux Yoshida est un yakuza en exil qui s’est caché en prison pour échapper aux gens qu’il a trahi. « Trahir ou être trahi », telle est la question. Kôhei hésite à accepter mais quand Yoshida lui dit qu’il pourra profiter de ses chiottes avec une chasse d’eau, il oublie son honnêteté fondamentale et va devenir son porte valise. Comment travailler en prison ? Très simple : il suffit de sortir en ville et faire des affaires. Et avec de l’argent tout est possible et Yoshida a de l’argent car il fait du commerce, avec la complicité du directeur, de cocaïne.


On passe en quelques minutes du sordide au sublime, si j’ose dire, de la merde à l’argent. Et le film porte bien son titre. Les Prisonniers du paradis va s’acharner à montrer la justesse de son titre et l’oxymore si paradoxale qui fait souvent la saveur des films de Miike. Rien n’est ici sauvage comme dans Big bang love juvenile A, mais on nage en pleine folie. Passée la surprise que l’on puisse sortir si facilement de prison, on découvrir la vie quotidienne de nos six Japonais dans la prison.


Au bout d’un moment, tout va se compliquer. Les ennemis de Yoshida vont rappliquer pour lui faire la peau. La source d’argent qui coulait à flot est soudainement menacée d’être rompue à cause de diverses trahisons. Là, il va falloir fuir. Miike ne se soucie pas vraiment de la manière de sortir de prison. Il commence un autre film, un road movie barré où nos personnages vont rencontrer des villageois. Le fou pédophile va devenir une sorte de dieu de l’ascétisme. On y rit beaucoup jusqu’à ce tout tourne au drame.


Les Prisonniers du paradis (The Guys from Paradise, 天国から来た男たち, Japon, 2000) Un film de Takashi Miike avec Monsour Del Rosario, Kenichi Endō, Kazuhiko Kanayama, Koji Kikkawa, Toshiyuki Kitami, Kenji Mizuhashi, Mai Oikawa, Mitsuhiro Oikawa, Nene Otsuka, Hideo Sako, Naoto Takenaka, Hua Rong Weng, Tsutomu Yamazaki.


jeudi 28 mai 2009

Glory to the filmmaker !


Dans une époque pas si lointaine, chaque nouveau film de Kitano était attendu avec une ferveur non feinte. C’était certes au 20ème siècle, dans la foulée de la sortie de Hana-bi quand ses premiers films sortaient en salles. Et puis depuis l’échec de Takeshi’s auprès du public et l’indifférence de la presse française qui ne comprenait pas le film (décevant certes) qui espérait probablement un Kitano classique, une redite de Sonatine par exemple. Alors, j’ai mis un an avant de pouvoir Glory to the filmmaker !. Rien que ça.


C’est justement le thème de son avant-dernier film autobiographique sur la sécheresse de son inspiration. Depuis, il a tourné Achilles and the tortoise qui n’est pas prévu pour les écrans français. Est-ce déjà la fin de carrière du cinéaste qui n’existe plus pour les spectateurs et la presse (essayez de trouver un commentaire sur le film dans les comptes rendus du festival de Venise 2008). Pourtant un auteur brillant qui remet en question son art au bout de vingt ans de réalisation. Quand Godard le fait – de manière sinistre – tout le monde trouve cela poétique, quand c’est Kitano, personne ne s’y intéresse.


Dans Glory to the filmmaker !, Kitano sonde les tréfonds de son cerveau et cherche à comprendre pourquoi il a perdu son inspiration. Il va passer un scanner et dans les parties de son cerveau on voit les caractéristiques de Ozu, Mizoguchi et Kurosawa apparaître. Ça n’est pas vraiment lui, mais son double en mannequin du style crash-test. Les trois piliers du cinéma japonais sont là, toujours dans la tête de Kitano, mais aussi des critiques dès qu’il s’agit de parler de cinéma japonais. Rien ni personne ne semble pouvoir les remplacer. Kitano vise les critiques français qui l’ont porté après Hana-bi et qui devant l’incompréhension l’ont abandonné.


Kitano montre en images ce que l’on attend de lui, un énième film de gangsters avec les habituels gunfights, les mêmes dialogues entre yakuzas, les giclées de sang similaires aux chefs d’œuvre qu’il a fait au milieu des années 1990. Certains voudraient qu’il refasse encore la même chose, le même film au nom d’une politique des auteurs démagogique et fallacieuse. Et si Kitano faisait une parodie de Ozu. L’histoire, en noir et blanc, d’un vieux à la retraite qui va boire dans un bar du saké servi par une femme en costumes traditionnels et qui sourit tout le temps. Non, ça ne marche pas et Kitano le sait.


Il essaie encore quelques films de genre, le mélodrame (mais pourquoi se serait toujours la femme qui attend l’homme ?), le film d’horreur (mais pourquoi une jeune femme habillée en écolière et une autre en maillot de bains s’incrustent dans le plan ? ou encore pourquoi ne pas aussi montrer les scènes ratées où l’acteur se prend les portes ?), ou un chambara (tout serait coordonné avec des effets spéciaux à la Kitamura, beurk). Et pourquoi pas non plus un film des années 1950 qui parlerait de son enfance et des amis et de sa pauvreté et de ses parents, où lui-même jouerait le rôle du père qui bat et viole sa femme. Là, le film commence à toucher du doigt l’ambition de Kitano, parler de lui.


Les enfants reproduisent les matchs de catch de cette époque et Kitano nous propulse aujourd’hui dans la deuxième partie du film. Nous sommes dans un restaurant où une mère et sa fille veulent mettre un cafard dans le bol de nouilles. Mais d’autres clients ont déjà eu cette idée. Les acteurs sont des catcheurs et vont se battre dans une séquence très drôle. Et c’est parti pour une deuxième partie des plus délirantes. On suit les deux femmes qui ont des comportements enfantins. La mère a un sac à dos en forme de girafe, la fille a un canard en peluche dans son énorme sac à main qu’elle fait parler en ventriloque.


Elle rencontre Kitano qui se transforme en mannequin crash test chaque fois qu’il est troublé ou peureux ou honteux, c'est-à-dire assez souvent. Et d’autres personnages farfelus arrivent qu’il vaut mieux découvrir en vrai en regardant le film. Mais ce délire est toujours aussi contrôlé par le cinéaste. La musique de Joe Hisaishi s’adapte aux situations. La mise en scène de Kitano est toujours aussi précise dans ses hors champs, dans les champs – contrechamps qui rendent les situations drolatiques – on y rit beaucoup. Il fait exactement ce qu’il veut de sa mise en scène et c’est cela le plus important.


Glory to the filmmaker ! (監督·ばんざい!,, Japon, 2007) Un film de Takeshi Kitano avec Beat Takeshi, Susumu Terajima, Yuki Uchida, Anne Suzuki, Ren Osugi, Kayoko Kishimoto.


D'autres photos du film sur mon autre blog : Comparativista!


Sorties à Hong Kong (mai 2009)

Ashes of time Redux (東邪西毒終極版)

Un film de Wong Kar-wai chorégraphié par Sammo Hung avec Leslie Cheung, Tony Leung Chiu-wai, Brigitte Lin, Tony Leung Ka-fai, Jacky Cheung, Carina Lau, Charlie Young, Maggie Cheung, Bai Li, Collin Chou. 90 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 28 mai 2009.









lundi 25 mai 2009

Ecrans d'Asie


Comme le disait Julien Sévéon dans un entretien sur HKcinémagic consacré à son livre sur la Catégorie III, il est très difficile aujourd’hui de proposer un magazine papier sur le cinéma asiatique. Mad Asia puis Score Asia n’ont pas réussi à trouver leur public, comme on dit rapidement. Sans doute faut-il aussi chercher dans les lignes éditoriales de ces magazines une vraie raison à ces échecs commerciaux, toujours les mêmes sujets sur les mêmes cinéastes de série B vus encore une fois de la même manière : c’est nul mais c’est tripant. Pour palier le problème de la distribution en kiosque, Ecrans d’Asie a choisi de publier les 120 pages de son premier numéro uniquement sur internet.


A vrai dire, la lecture du sommaire pouvait laisser craindre une énième variation sur les auteurs phares : Tsui Hark ou Yasujiro Ozu. Il n’en est rien et au fil des pages qui apparaissent sur l'écran de l'ordinateur, on comprend l'ambition de la revue. Prenons le dossier sur Ozu justement. Il ne s'agit pas d'une analyse banale sur les plans tatamis, sur les trains ou sur les regards caméra des actrices. On y trouvera une étude sur la vision des critiques, notamment en France à partir de 1978, de l' œuvre du cinéaste et que ses films et sa mise en scène ont été diversement appréciés et souvent de manière tout à fait contradictoire. Sur Tsui Hark, c'est un pan rarement étudié, celui de la religion, qui est abordé longuement - même si il est oublié que dans L'Enfer des armes, nos jeunes "héros" insultent deux Mormons, mais c'est un détail. Avec une thèse vers laquelle l'auteur tend, ce qui n'est pas forcément nécessaire d'ailleurs tant cela risque d'aller vers le mémoire d'étudiant. Le dossier sur Les 3 Royaumes de John Woo est intéressant en ce qu'il nous parle des personnages du film d'un point de vue historique en les comparant avec la vision qu'en donne John Woo. C'est un très bel effort rédactionnel qui est entrepris. Cela rappelle avec délice feu HK Orient Extrême.


Ensuite, il y a quelques articles moins passionnants, telles ces interviews avec les acteurs des Seigneurs de guerre de Peter Chan qui rappellent ces making of où tout le monde s'autocongratule. L'auteur des entretiens les a-t-il fait précisément pour le bonus DVD du film ? C'est à se demander. On trouve également pas mal de critiques de films vus au Festival de Vesoul qui appose son label tout au long de la rubrique critiques. Or, quelques pages auparavant, un rédacteur se plaint au sujet d'un livre sur le cinéma chinois que les auteurs de l'ouvrage ne parlent que des films qu'ils ont eux mêmes programmé lors d'un festival. Plus irritant, ils se plaignent des fautes et erreurs d'orthographe dans le livre alors que Ecrans d'Asie est truffé de fautes, de mots manquant et parfois d'erreurs factuels (je ne retiendrai que celle concernant Tsui Hark qui n'a réalisé que 3 épisodes de Il était une fois en Chine en début de dossier puis 5 en fin de dossier, en fait il en a signé 4, officiellement). Moi-même étant un nul en orthographe et oubliant souvent des mots, je ne me lancerais jamais dans l'aventure d'un livre sans faire relire à mes amis.


Alors, il y a un grand espoir que cette revue puisse satisfaire certains lecteurs qui aiment regarder des films qui viennent d'Asie. J'espère que les petites phrases habituelles de fin de critiques disparaissent à jamais. Il faut trouver une nouvelle façon de parler des films différente des critiques de Télérama. Plus jamais des finaux comme "Une œuvre précieuse à découvrir de toute urgence", car il faut parfois jeter les livres et sortir dans la rue pour parler de cinéma et se moquer des conventions d'écriture, sinon on risque de n'être lus que par ses amis, si prévenants soient-ils.


Ecrans d'Asie à lire sur le net, ou mieux à imprimer.

jeudi 21 mai 2009

Sorties à Hong Kong (mai 2009)

The First 7th night (頭七)

Un film de Herman Yau avec Cheung Chi-lam, Lam Ka-tung, Eddie Cheung, Michelle Ye. 88 minutes. Classé Catégorie III. Sortie : 21 mai 2009.






mercredi 20 mai 2009

Vengeance


A l’origine, Alain Delon devait reprendre son rôle du Samouraï et il aurait à nouveau joué le personnage de Costello. C’est finalement Johnny Hallyday qui reprend le chapeau et le manteau du film de Melville. Mais tout le sait, Hallyday n’est pas Delon, loin de là et le chanteur a beau se venter d’avoir tourné dans un film de Godard, on voit une belle différence. Mais à Hong Kong, Johnnie To et Wai Ka-fai ont accepté de faire jouer le rôle de Costello par le chanteur.


Costello arrive à Macao après avoir appris que sa fille interprétée par Sylvie Testud qui vit là bas avec son mari (Vincent Sze) et leurs deux enfants ont été assassinés par trois truands. La fille parvient à faire comprendre à son père qu’elle veut qu’il se venge. Dans le même temps, Monsieur Fung (Smon Yam) demande à ses trois tueurs préférés (Anthony Wong, Lam Suet et Lam Ka-tung) de se débarrasser de sa maîtresse volage qui sort avec un garde du corps. Dans l’hôtel où les deux amants se sont donné rendez-vous, les trois truands rencontrent Costello.


Une inspectrice de Macao (Maggie Shiu) cherche à comprendre ce qu’il s’est passé lors de l’assassinat de la famille de Costello et se rend compte qu’il a été un témoin du meurtre de la maîtresse de Fung. Mais il prétend ne pas reconnaître l’un des tueurs et décide d’engager le trio pour accomplir sa vengeance. Ils vont trouver des indices pour retrouver les tueurs et notamment chez un « cousin » d’Anthony Wong, un vieux bonhomme qui vit dans un taudis au milieu des poubelles.


Le scénario de Vengeance écrit par Wai Ka-fai est d’une extrême simplicité. Très vite le quatuor arrive sur la piste des trois truands, sans se soucier de ménager un quelconque suspense. On apprendra assez vite que les trois truands ont été chargés de la mission de tuer la famille de Costello. D’où le problème suivant : les employés de Costello doivent se débarrasser des employés de Fung et vont donc devoir trahir contre leur chef de triade.


En regardant Vengeance, une impression de déjà-vu se dégage très vite. Johnnie To donne la sensation d’avoir faire une anthologie de ses meilleures scènes et de travailler en roue libre. Il y a de belles scènes de gunfight, notamment celle qui se déroule à Hong Kong dans un parc où les trois truands font un piquenique avec femmes et enfants. Les familles s’en vont et les hostilités peuvent commencer au milieu des arbres avec la lune comme seul moyen d’éclairage. C’est très beau. Une belle autre scène a lieu dans le taudis du « cousin » où les ballots de détritus sont utilisés comme boucliers. La scène évoque les films épiques et guerriers très à la mode en ce moment.


Les personnages sont souvent dans l’attente, ils mangent quelques fois – mais rarement. Ils attendent que quelque chose se passe et le spectateur attend aussi qu’un peu de nouveauté arrive sur l’écran. Ainsi quand Johnnie To tente de mettre à nouveau des parapluies dans la rue, on se dit qu’on a déjà vu ça dans Sparrow et que les scènes d’attentes nocturnes évoquent PTU et les diurnes The Mission. Tous les acteurs sont bons. Simon Yam en fait un peu beaucoup dans l’ultra violence et les règlements de compte expéditifs. Anthony Wong est parfait et sublime.


En revanche, Johnny Hallyday est un peu à côté de la plaque. Johnnie To filme son visage en gros plan sans que l’on arrive à trouver la moindre émotion dans ses yeux. Plusieurs scènes où il est seul tombent dans le ridicule. Petit à petit Costello perd la mémoire et il a pris des photos en polaroïd sur lesquelles il note les noms de ses alliés et des ennemis. Mais notre chanteur national en fait des tonnes dans l’amnésie et n’est pas le moins du monde crédible. Quand les acteurs hongkongais disparaissent du film, on les regrette. Il y a un Johnny de trop dans Vengeance et pas assez de Johnnie. Pas de quoi faire tout un pataquès cannois.


Vengeance (復仇, France – Hong Kong, 2009) Un film de Johnnie To avec Johnny Hallyday, Anthony Wong, Lam Suet, Lam Ka-tung, Simon Yam, Maggie Shiu, Sylvie Testud, Michelle Ye, Cheung Siu-fai, Felix Wong, Ng Ting-yip, Vincent Sze.

samedi 16 mai 2009

The Wicked city


Taki (Leon Lai) et Ken (Jacky Cheung) sont deux agents spéciaux de la police japonaise qui chasse les montres venus coloniser la planète. Ils travaillent en équipe mais leur patron Kayama (Yuen Woo-ping) n’a pas confiance en Ken. Ce dernier est un métis, sa mère était un monstre et la chasse aux monstres risque en conséquence d’être biasée. Mais Ken a du mal à supporter la discrimination et vient toujours en aide à son collègue lorsque le situation est difficile.


Taki mène une enquête qui concerne un riche homme d’affaires Daishu (Tatsyua Nakadai) à la tête d’un trafic de drogues consommée par les monstres, le Bonheur. Enfin, c’est ce qu’il soupçonne car son ancienne amie monstre Gaye (Michelle Reis) lui sert d’indic et pense qu’il est utile d’aller espionner au cœur de la triade. Taki va vite s’apercevoir que Shudo (Roy Cheung), le fils de Daishu est derrière le trafic. Voilà pour le scénario de cette adaptation d’un manga.


The Wicked city est un film de science fiction et il en existe peu à Hong Kong. Tsui Hark est derrière tout ça, histoire de diversifier la Film Workshop. Les monstres peuvent aller dans une autre dimension afin de se battre et également se transformer. Seulement voilà, les effets spéciaux sont bon marché ce qui donne au film un petit goût de nanar. Ça n’est pas désagréable cela étant, ça donne un peu de charme mais l’impression de brouillon dans certaines scènes de transformation sont franchement ratées. Le film regorge de plans tarabiscotés et bizarres. On nage dans le kitsch quand Shudo fait l’amour à un flipper, en fait un monstre femelle qui a la capacité de se transformer en objets.


Un des aspects les plus intéressants du film est dans le rapport entre les Taki et Ken que le réalisateur filme comme un couple qu’une fille étonnamment prénommée Gaye vient constamment séparer. Les deux acteurs sont filmés en gros plans se regardant les yeux dans les yeux. Tous veulent les séparer mais ils n’ont de cesse de se réunir. Mais chaque fois que l’un a un problème avec un monstre, l’autre surgit d’on ne sait où pour lui prêter main forte. Il est difficile de savoir si cette relation crypto gay est volontaire ou non, mais certains dialogues sur les discriminations que subit Ken peuvent le laisser penser.


Leon Lai et Jacky Cheung ont d’ailleurs le même look : costumes simples et lunettes de vue. Leur différence vient de leur rapport avec les monstres. Taki est amoureux de Gaye, ou tout du temps, il a une forte affection pour elle. Mais il pourrait avoir la même affection pour Ken puisqu’il est de sang mêlé. Cette hypothèse donnerait un peu de piment à un film qui dans son dernier tiers prend, comme souvent dans les films de série B à Hong Kong, une tournure un peu ridicule dans ses retournements de situations.


The Wicked city (妖兽都市, Hong Kong, 1992) Un film de Mak Tai-kit avec Leon Lai, Jacky Cheung, Michelle Reis, Tatsyua Nakadai, Yuen Woo-ping, Roy Cheung, Carman Lee.

jeudi 14 mai 2009

dimanche 10 mai 2009

Wu Ji, la légende des cavaliers du vent


Difficile de penser quoi que ce soit du nouveau film de Chen Kaige. En sortant de Wu Ji, on a vraiment l’impression de n’avoir pas vu grand-chose d’autre qu’un immense jeu vidéo qui mêlerait de façon plus ou moins habile des acteurs en live à l’infographie. On ne dira jamais assez tout le mal que peuvent faire les logiciels sur les wu xia pian. Dans Wu Ji, tout est désormais possible : une petite fille peut marcher sur l’eau, l’esclave Kunlun peut s’envoler 100 mètres au dessus du sol dans un travelling ascendant sans que cela n’étonne plus personne. Et n’épate plus personne non plus. Car cette surenchère d’effets spéciaux qui avait pour but d’en mettre plein la vue devient monotone depuis Hero. Mais ce mouvement avait été anticipé par Stormriders d’Andrew Lau, comme par l’atroce Legend of Zu de Tsui Hark, on assiste à une concurrence aberrante. Toujours plus de trucages numériques : on se rappelle les milliers de flèches dans le Zhang Yimou. Dans Wu Ji, l’esclave Kunlun et ses 132 compagnons doivent s’enfuir dans un canyon où les soldats du général ont lâché des buffles.

Les buffles sont tous en numérique, ils courent tous de la même façon, ils ont tous la même taille. Plus rien ne respire la vie là dedans. Et l’esclave court, court, court, toujours plus. Et tout à coup, on se rappelle la poursuite entre Yuen Qiu et Stephen Chow dans Crazy kung fu et on rit devant le ridicule de cette scène où l’esclave porte son maître sur son dos. Filmé en gros plan avec un paysage numérisé derrière lui, on se demande où sont passés les paysages chinois. Le plus navrant dans Wu Ji est que Chen Kaige a voulu en mettre plein la vue. Il est devenu le Monsieur Plus du cinéma chinois. Comme si l’addition de tous les éléments n’allait pas provoquer une indigestion et la nausée chez le spectateur. Décors, costumes, maquillage : toujours plus. Nicholas Tse change de fringue à chacune de ses apparitions. J’espère qu’il a pu garder sa garde robe.

Toujours plus d’intrigue : le scénario du film est encore plus compliqué que celui d’Evil cult, où tout était incompréhensible. Wu Ji frise la démence. Au bout de quelques minutes, on abandonne toute volonté de mettre un sens aux légendes prétendument ancestrales qu’ont inventé les scénaristes du film. Toujours plus de sentiments : jalousie, vengeance, amours déçues, frustration, tromperie, loyauté, trahison, amitié, respect, haine. Cela fait beaucoup de sentiments à exprimer. Pourtant les acteurs jouent exclusivement avec les mimiques faciales, tout engoncés qu’ils sont dans leurs beaux costumes qu’il ne faut surtout pas froisser. Le froncement de sourcils est de rigueur, les yeux écarquillés aussi, les doubleurs hurlent les dialogues.

Wu Ji a une distribution internationale : un acteur coréen dans le rôle de l’esclave, un acteur japonais dans celui du général, deux acteurs hongkongais dans ceux de la princesse et du méchant. Aucun ne parle mandarin, or le film est en mandarin. Leur inexpressivité n’est pas due seulement à l’incohérence du scénario, pas uniquement au fait qu’ils ont tourné tout sur fond bleu pour rajouter les faux décors, mais aussi au fait qu’ils ne savaient pas ce qu’ils disaient. Parce qu’on s’y ennuie mortellement. Parce que les décors en infographie c’est moche. Parce qu’on n’y croit pas. Parce que tout cela sent l’opération marketing à plein nez. Wu Ji est à éviter.

Wu Ji, la légende des cavaliers du vent (The Promise, 无极, Chine – Hong Kong – Corée, 2005) Un film de Chen Kaige avec Jang Dong-kun, Hiroyuki Sanada, Cecilia Cheung, Nicholas Tse, Liu Ye, Chen Hong, Qian Cheng.

samedi 9 mai 2009

Johnny Johnnie

Johnny est en couverture des Cahiers. A la fois Johnny Hallyday et Johnnie To puisque Vengeance du cinéaste hongkongais est le film du mois (sortie française le 20 mai 2009) pour la rédaction. On a même droit à un entretien avec le cinéaste, mais qu’on se rassure pas de choses vraiment intéressantes ont été imprimées. L’Asie est à l’honneur dans ce numéro avec un compte rendu du Festival de Hong Kong où on a la joie d’apprendre qu’Ann Hui a fait son grand retour grâce à Wong Jing. Moi qui croyais qu’elle n’arrêtait pas de tourner (un film par an environ) depuis quinze ans, j’en suis tout marri. Plus passionnant est l’entretien avec Kôji Wakamatsu pour la sortie de son film United Red Army.

vendredi 8 mai 2009

Conte de cinéma


Deux récits se croisent, se répondent, se chevauchent dans Conte de cinéma. Chaque récit est mis en scène de façon très linéaire et l'imbrication du premier dans le deuxième forme une histoire entière, cohérente et complète. Pour être très clair, le récit 1 est celui d'un jeune homme triste et pauvre qui rencontre une jeune fille. Ils ne s'étaient pas vus depuis deux ans. Ils commencent à sortir ensemble, mais il a du mal à produire une érection. Plutôt que de faire l'amour à sa belle, il lui propose de se suicider ensemble en avalant une tonne de somnifères. Le garçon a une maman peu aimante qui apparaît comme une des raisons de son mal être.


Récit 2 : un homme, cinéaste au chômage et sans envergure, sort d'une salle de cinéma où est donnée une rétrospective de l'œuvre d'un de ses anciens camarades de promotion. Une jeune femme était aussi dans la salle. Il s'avère qu'elle est aussi l'actrice principale du film qui vient d'être projeté. Plus personne ne lui offre de rôle. Le réalisateur du court métrage en question est quant à lui agonisant à l'hôpital. Ses anciens collègues de l'école de cinéma se collectent pour payer une opération qui permettrait de le sauver.


Je ne pense pas dévoiler un grand secret en révélant que le récit 1 est le scénario du film que l'homme voit dans le récit 2. Au fur et à mesure de Conte de cinéma, on croit même comprendre que ce récit 1 a été " volé " au cinéaste au chômage. En conséquence de quoi, ce dernier va agir dans le récit 2 comme le personnage qui retraçait sa vie, qui en passant était interprété par le cinéaste moribond en personne. J'espère que tout cela est clair pour vous.


Hong Sang-soo, à ce niveau du film, nous plonge dans Conte de cinéma, dans un récit circulaire où les répétitions, les redites et les variantes forment un puzzle qui compose la vie de ses personnages. On pense à Une sale histoire de Jean Eustache (1977) qui mettait en œuvre deux fois le même récit raconté de deux façons différentes. Dans Conte de cinéma, le récit 1 pourrait faire figure de fiction et le récit 2 de documentaire en tant qu'il reproduit une réalité concrète et divergente du récit 1.


Variantes, redites, répétitions sont les points cardinaux du cinéma de Hong Sang-soo depuis son premier film. On peut citer de nombreuses touches récurrentes qui alourdissent parfois son film. Echarpes que portent la fille et le garçon, cigarettes à fumer ou à ne pas fumer, alcool, magasin de musique, karaoké, scènes de coït. Hong Sang-soo garnit son film d'effets de miroir un peu voyants entre ses deux récits. Comme Conte de cinéma est assez léger et futile, on remarque un peu trop ses petites choses jamais laissées au hasard des yeux des spectateurs mais au contraire données comme très signifiantes. Conte de cinéma est, il faut bien le dire, une sorte de soap opéra filmé avec beaucoup de légèreté et d'ironie (on y rit souvent des malheurs des protagonistes), filmé de manière assez naturaliste comme le tout venant de la production labellisée Art et Essai. Et cette légèreté se transforme petit à petit en vraie lourdeur.


Et c'est là tout le problème du cinéma de Hong Sang-soo. On ne s'ennuie pas, il faut bien le reconnaître, en regardant Conte de cinéma. Le scénario se suit avec clarté. La mise en scène suit ses personnages. Ses mouvements de caméra ne semblent pas injustifiés, y compris les nombreux zooms qui peuplent le récit 1. Mais au bout de six films, je me demande sincèrement de quoi parlent ses films. Les histoires d'amour déçu sont aussi peu neuves que l'idée que le cinéma c'est la réalité, comme l'entendait en substance François Truffaut. Finalement, Hong Sang-soo ne nous parlent peut-être pas de la Corée, mais évoque les cinéastes qui lui sont chers et qui l'ont influencé. A ce titre, on pourrait presque dire que son film est un mélange des films de la Nouvelle Vague française.


Conte de cinéma (극장전, Corée – France, 2005) Un film de Hong Sang-soo avec Kim Myoeng-su, Kim Sang-kyung Kye, Seong-yong, Lee Ki-woo, Uhm Ji-won.

jeudi 7 mai 2009

Sorties à Hong Kong (mai 2009)

Night and fog (天水圍的夜與霧)

Un film de Ann Hui, avec Zhang Jing-chu, Simon Yam, Amy Chum, Law Wai-keung . 122 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 7 mai 2009.






mardi 5 mai 2009

Moon warriors



Fei (Andy Lau) est un gentil pécheur souriant. Quand il ne travaille à ramener du poisson avec les autres villageois, il se promène dans une forêt de bambou qu’il taille pour se faire une flûte dont il est habile joueur. Ce jour-là, les bambous bougent et se déplacent de leurs racines. Ce sont des méchants qui sont là-dessous pour piéger le prince Yan (Kenny Bee) qui se déplace avec son escorte et Mo Xian-er (Maggie Cheung), sa garde du corps. Yan fuit son frère, le 14ème prince (Jie Lin) qui usurpe le pouvoir et fait preuve d’une grande cruauté.

Le prince Yan, par ailleurs plus âgé que son traitre de frère, va sympathiser avec Fei. Ils vont se définir comme des frères d’amitié bousculant le protocole. Yan veut rejoindre sa fiancée, la princesse Croissant-de-lune (Anita Mui), qui vit dans une contrée proche. Ils vont s’y rendre ensemble, mais auparavant ils conviendront d’une cachette dans les grottes. C’est le tombeau de l’Empereur, l’ancêtre du prince Yan, qui se trouve caché de tous mais dont Fei connait toutes les entrées secrètes.


Mais il existe des couples promis et des amours contrariées. La princesse trouve du charme à Fei mais doit combattre ce sentiment car elle doit honorer ce mariage de raison. Il faut signaler maintenant la performance exceptionnelle d’Anita Mui qui en l’espace de quelques minutes passe de l’adolescence (elle joue au cerf volant) à la femme amoureuse (qui aimer ? qui épouser) en passant par la combattante (faut pas l’emmerder quand elle a un sabre dans la main). Le destin sera fatal aux amants. D’ailleurs, Mo Xian-er a également un faible pour le prince Yan mais ses intentions ne sont pas claires.

Sammo Hung, Ching Siu-tung et Corey Yuen ont réglé les chorégraphies des combats de Moon warriors. Tout va très vite, tous les personnages défient les lois de la gravitation et chacun d’eux se bat avec beaucoup de dextérité et pas de mal de blessures ensanglantées. Mais on comprend bien que ce ne sont pas vraiment Lau, Bee, Cheung et Mui qui se battent. Mais tout reste très amusant et le rythme est là pour tenir en haleine jusqu’à une fin inhabituelle pour une comédie d’action et romantique.

En revanche, ce que semble avoir voulu faire Sammo Hung est de rendre hommage au cinéaste Chu Yuan, l’un des cinéastes les plus délicats de la Shaw Brothers. Son style reconnaissable entre tous parmi les cinéastes de la compagnie consiste à filmer au travers de filtres naturels. Sammo Hung fait la même chose. Filet de pèche, cascade d’eau, fleurs, arbres, herbes, statues. Tout est bon pour faire obstacle entre les personnages et notre regard, le tout avec de beaux travellings et parfois des filtres de couleurs (surtout du orange). Esthétiquement, Moon warriors est le film le plus abouti de Sammo Hung même si son scénario est faible.

Moon warriors (战神传说, Hong Kong, 1992) Un film de Sammo Hung avec Andy Lau, Anita Mui, Maggie Cheung, Kenny Bee, Jie Lin.

dimanche 3 mai 2009

Cape No.7


Cape No.7 est le plus succès du cinéma taïwanais dans son propre. Le film a talonné Titanic l’an dernier. C’est devenu ce qu’on appellera un phénomène culturel puisque près d’un habitant de l’île sur cinq a vu le film. Le film a coûté 45 millions de dollars taïwanais et en a rapporté 500 millions. Cela rappellera notre histoire locale à nous avec le film qui se passe dans le Nord.


Dans une petite ville du sud de Taïwan, la vie consiste au train-train quotidien. Aga (Van) revient au bled après avoir tenté une carrière dans la chanson à Taipei. Echec et retour à la case départ. Aga est le fils du député local, un type qui ne se déplace jamais sans ses deux « gardes du corps » et dans sa grosse caisse. Evocation d’un esprit gentiment mafieux de ce député, un parrain plutôt qu’il vaut mieux écouter. Le député, chemise hawaïenne constamment sur le dos, veut trouver du travail pour son fiston.


Et voilà justement le vieux Mao, le facteur du village, qui a un accident de cyclomoteur. Le vieillard grand joueur de guitare traditionnelle à trois cordes est bien obligé de laisser le boulot au jeune rebelle. Le député va faire mieux. Il va imposer à Tomoko (Chie Tanaka), attachée de presse japonaise qui fit ses études à Taïwan mais qui n’en est jamais parti, un groupe de musique locale pour la première partie d’un chanteur japonais qui vient faire un concert dans la ville.


Avec Aga au chant et à la guitare, le groupe va se construire. Il y aura la Grenouille, un homme un peu raté qui drague une mère de famille qui a des triplés très envahissant. Un quinquagénaire et son fils, flic qui agresse Aga lors de sa tournée, qui sont tous deux issus de la communauté aborigène et qui cherchent toujours à interpréter un chant aborigène. Et une gamine au piano qui en joue à l’église locale. Sans oublier le vendeur de Malasun qui hurle pour vanter son produit. Le groupe sera hétéroclite et permettra au film de provoquer quelques sourires lorsque les membres qui se disputent. Jalousie, colère et amateurisme sont au programme des répétitions.


Aga trouve dans le courrier à livrer un colis qui n’a pas trouvé son destinataire. Dans ce colis, des lettres d’un Japonais qui a été amoureux d’une Taïwanaise pendant la guerre. On entend (en japonais) la lettre et là le film passe dans le tournant historique de Taïwan. Les relations de l’île avec le Japon ne sont pas simples. Occupée par l’Empire au début du 20ème siècle, Taïwan a toujours gardé des liens forts avec le Japon une fois l’arrivée de Mao au pouvoir. Le vieux postier parle d’ailleurs japonais. Le film mélange les langues (mandarin, dialectes taïwanais et aborigène, japonais) et les cultures ancestrales et modernes notamment grâce à la musique.


Cape No.7 aborde aussi plusieurs genres, parfois avec une grande maladresse. Les répétitions sont de l’ordre comique. Mais elles permettent de nouer une romance entre Aga et Tomoko, histoire d’amour qui trouve son écho dans les lettres que l’on entend. L’image est souvent très belle. Wei Te-sheng et son chef opérateur filment la ville de Hengchun, très connue pour son paysage très Riviera, sans chromo et avec goût. Le film est un hommage à la culture locale qui veut lui redonner sa fierté. Pas tout à fait abouti mais intéressant.


Cape No.7 (海角七號, Taïwan, 2008) Un film de Wei Te-sheng avec Van, Chie Tanaka, Kousuke Atari, Rachel Liang, Min-hsiung, Mai Tzu, Ma Nien-hsien, Ying Wei-min, Shino Lin, Johnny C.J. Lin, Ma Ju-lung, Bjanav Zenror, Pei Hsiao-lan, Chang Kuei, Lee Pei-chen, Chang Chin-yen, Yukihiko Kageyama.