mercredi 22 avril 2009

Still walking


« Bienvenue dans la famille Yokoyama » aurait pu être le titre français du sixième long métrage de Hirokazu Kore-eda, dont le Hana est toujours inédit par chez nous. Still walking, soit « ne cesse pas de marcher », son affreux titre français, vient d’une chanson des années 1970 qu’écoutera la mère sur son vieil électrophone pendant le film.


Le vieux et la vieille Yokoyama s’apprêtent à accueillir leurs deux enfants,comme chaque année, pour célébrer la mort de leur fils disparu, Junpei. Le père (Yoshio Harada) est un médecin à la retraite qui a gardé intact son cabinet. La mère (Kirin Kiki) a était toute sa vie femme au foyer. Sa fille (You) lui répète constamment qu’elle n’a jamais travaillé, mais c’est elle qui prépare le repas pour toute la famille tandis que le père, tenant à son rang de sensei, refuse même d’aller acheter du lait à la supérette.


La fille est là avec son mari, un gars jovial et qui ne s’en fait pas, et ses deux enfants un garçon qui avoue avoir abandonné le kendo parce sous le casque ça pue et une fille plus âgée qui est toute contente d’avoir grandi de 1,5 cm depuis l’été précédent. Puis arrivent le fils cadet (Hiroshi Abe) et sa femme, une veuve qui a de son premier mariage un fils de cinq ans. Si la fille s’amuse à taquiner sa mère pendant la confection du repas, avec son espièglerie et sa voix si particulière (c’était la mère indigne dans Nobody knows), le fils traîne les pieds pour revenir en famille, il attend les reproches sur son mariage de « seconde main », comme dit la mère.


La mère est pleine de vie et d’entrain, elle incarne le bon sens de la vie. Elle rouspète avec humour contre la bougonnerie du mari, qui semble prêt à rendre des comptes face aux vies inutiles de ses deux rejetons. Il regrette la disparition de Junpei dont on ne cessera jamais de parler pendant tout le film. Mais tandis que le spectateur commence à comprendre la complexité des rapports dans cette famille – et de ce point de vue, nous sommes dans la position de la veuve – on se rend compte que la mère est loin d’être une sainte et que le père est presque bonhomme.


Le film propose des sentiments de plus en plus violents. Et Kore-eda les filme avec une rare douceur, celle des couleurs estivales. La fille aimerait pouvoir habiter avec sa famille dans la demeure des parents, mais la mère ne supporte pas ses petits enfants. Elle ne rate par ailleurs jamais une occasion d’humilier sa nouvelle belle fille. Elle a acheté un pyjama pour son grand fiston, mais pas pour son nouveau petit fils. Parce que le père Yokoyama ne dit pas grand-chose, il apparaît moins cruel. La grand-mère s’est enfoncé dans une folie du souvenir de son fils défunt (la scène du papillon jaune qui serait Junpei) qui la pousse dans ses retranchements.


Hirokazu Kore-eda ne verse cette fois pas dans le fantastique ordinaire, comme il l’avait fait dans ses trois premiers films. Still walking est un film cruel dont la mise en scène évoque par moment celle de Yasujiro Ozu, plan à hauteur de tatami, un train qui passe au loin, le pouvoir des enfants sur les parents. Mais à lui seul, sans chercher aucune référence dans le cinéma japonais d’antan, c’est déjà un grand et beau film sur les secrets familiaux.


Still walking (歩いても 歩いても, Japon, 2008) Un film de Hirokazu Kore-eda avec Hiroshi Abe, You, Yoshio Harada, Ryôga Hayashi, Haruko Kato, Kirin Kiki, Yui Natsukawa, Hotaru Nomoto, Kazuya Takahashi, Shohei Tanaka, Susumu Terajima.

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