lundi 18 août 2008

Le Soleil se lève aussi


Voir Anthony Wong au cinéma, en salles, deux fois dans la même semaine est pour moi un grand bonheur. Bon, La Momie 3 c’est gentil, mais Le Soleil se lève aussi, c’est d’un autre calibre. L’acteur – réalisateur Jiang Wen revient sans tambour ni trompette après sept ans d’interdiction de travailler. Les Chinois n’y vont jamais avec le dos de la cuiller. Jiang Wen se donne donc le premier rôle de ce film étrange et beau.

Le film se déroule en 1976, l’année de la mort de Mao, dans un coin reculé de la Chine. Les premiers plans sont énigmatiques et colorés, la caméra frôle le sol, on y voit de nombreuses fleurs rouges au milieu d’herbes. On y entend des chants russes et un prénom Aliocha. Commence alors un récit bigarré, un conte à la Kusturica où une mère (Joan Chen) rêve de chaussons en forme de poisson et où son fils (Jaycee Chan) abandonne ses études pour devenir paysan. La mère devient folle, un oiseau passe par là et crie « Je ne sais pas, je ne sais pas », une chevrette monte sur un arbre, la mère creuse au pied de l’arbre et en extraie des grosses pierres blanches qui vont servir à construire une cabane qui sert d’autel pour le père de Jaycee Chan, père qu’il ne connaît pas.

Le deuxième récit est dans un autre coin de la Chine, Anthony Wong est enseignant et il aime regarder les femmes, ce qui en pleine Grand Révolution Culturelle Prolétarienne n’est pas la chose la plus en vue. Un soir où la projection du Détachement féminin rouge de Xie Jin est projeté, on l’accuse d’avoir peloter cinq femmes. Il est accusé par le chef du parti d’être un pervers. Pour avancer, il avoue même s’il est innocent. Son problème est qu’il est amoureux de la fiancée de Jiang Wen.

Troisième histoire : on retourne au village de Jaycee Chan. Il est devenu le chef du village. Jiang Wen est envoyé en rééducation avec sa fiancée. Il va apprendre la chasse aux enfants et tirer sur de nombreux faisans et lapins. Jaycee lui accorde chaque un point pour sa rééducation. Là, il tombe amoureux de la femme de Jiang Wen. Enfin, la dernière partie du film se déroule en 1958 où l’on nous explique beaucoup de choses et où l’on comprend le comment du pourquoi. Le Soleil se lève aussi retombe sur ses pattes.

Faire un film aussi sensuel dans une période aussi noire que la Révolution Culturelle peut être prise comme une grande maladresse. Seulement voilà, ce qui est inscrit sur l’écran est d’apparence poétique mais révèle un profond malaise. L’atmosphère est très proche de la folie, on touche du doigt un fantastique angoissant. Les personnages deviennent fous, ils perdent pied avec la réalité officielle (le détournement du message du Détachement féminin rouge du politique au sexuel), ils ne se conforment à l’idéologie. C’est en cela, grâce à cette subversion, que le film devient intéressant.

Le film est d’une grande beauté avec des plans étonnants (le passage du train dans la dernière partie) qui pourraient n’être que des chromos, mais Jiang Wen leur enlève leur charge émotionnelle. Anthony Wong y est génial. Il n’apparaît que 45 minutes en tout mais son simple regard vaut beaucoup de dialogues explicatifs. Jaycee Chan qui ne cesse de courir dans la première partie s’avère un bon acteur. Le Soleil se lève aussi est un film bien peu académique, ça change des films chinois.

Le Soleil se lève aussi (太陽照常升起, Chine – Hong Kong, 2007) Un film de Jiang Wen avec Jiang Wen, Joan Chen, Jaycee Chan, Anthony Wong, Zhou Yun.

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