mercredi 11 juin 2008

JCVD


Clint Eastwood aura attendu 52 ans et son neuvième film Honky tonk man en 1982 pour connaître la reconnaissance de la critique française, ce qui est un peu le must d’une carrière internationale, admettons-le. Jean-Claude Van Damme n’a jamais eu la reconnaissance de la critique (à part peut-être chez nanarland) et depuis près d’une décennie à peine celle du public, qui ne va même plus voir ses films. Je ne compare pas Clint à Van Damme par facétie, mais parce que les critiques qu’ils ont sur leurs films peuvent être comparées. Clint s’est fait traiter de fasciste au début de sa carrière de cinéaste. Il faut les critiques de l’époque sur Un frisson dans la nuit, son premier film. On n’en revient pas.

Pareillement, Van Damme n’a jamais la faveur de la critique. La bêtise de ses films n’y est pas pour rien. Cela est d’ailleurs largement repris dans la séquence au tribunal où l’avocat décrit comment l’acteur tue ses victimes dans les films. Mais Jean-Claude Van Damme est cependant devenu une star du film bourrin et n’a jamais été connu pour autre chose. Van Damme est-il encore aujourd’hui une star, comme veut le faire croire JCVD ? Ou n’est-il juste qu’un has been de plus qui, comme Chuck Norris, fascine les amateurs de mauvais films. Il y a là une nouvelle tendance de la cinéphilie très à la mode et assez régressive, mais parfois amusante. Van Damme est-il un bon acteur, ou même seulement un acteur ? Le film répond oui avec enthousiasme et beaucoup de mauvaise foi.

Le jeu de Van Damme n’est pas très intéressant, il essaie d’intérioriser ses émotions (scène du tribunal), son affliction (scène où on passe ses aphorismes à la télé), mais la tête est la même. Il se penche et semble réfléchir. Van Damme a aujourd’hui 47 ans et ce film tente de le réhabiliter, de redéfinir son statut actuel. La vie privée décrite dans JCVD est fausse, elle n’est pas réelle. Jean-Claude Van Damme doit donc interpréter Jean-Claude Van Damme, ce qui n’est pas une mince affaire puisque le réalisateur lui impose une image, l’image qu’il a envie que l’on retienne de la star belge. Ceci implique une vie familiale fantasmée et surtout l’absence de tout rappel de sa vie de drogué (qui lui a permis de nous offrir ces célèbres réflexions).

Question cinéma, donc acting – comme le dite Jean-Claude, JCVD regarde vers les gloires passées, c’est-à-dire son unique film avec John Woo. Il est dit deux fois dans les dialogues que John Woo aurait été amené aux Etats-Unis par Van Damme. Beau fantasme, certes. Mais pourquoi pas parler de Tsui Hark (deux films ensemble) ou Ringo Lam (quatre films ensemble) ? Parce que JCVD est un film de pur marketing. La scène inaugurale, assez médiocre et démagogique, montre un cinéaste chinois imbu de lui-même faire une scène d’action en plan séquence à notre quadragénaire dans une image d’une rare laideur. Ce dernier souffre. Car Van Damme a souffert dans ce cinéma d’action alors qu’il est un acteur shakespearien (nous dite le film épris de citation).

JCVD est le dernier avatar du cinéma post-moderne qui regarde de partout, imite tout le monde (enfin, plus exactement certains cinéastes cultes en ce moment). Sidney Lumet est allégrement cité et Un après-midi de chien imité et parodié (Soualem, très mauvais, déguisé en John Cazale). Le plus pénible est cette image sépia, couleur glauque (littéralement et figurativement) qui tend, en vain, à donner son atmosphère sombre. Hommage à Tarantino (musique en décalage avec l’action, scénario non linéaire) à Monte Hellman ou Ingmar Bergman (accident de pellicules). Le clou du film devant être le solo de Van Damme qui évoque plus largement celui de Delon dans Les Acteurs de Bertrand Blier. D’une certaine manière, ce que l’on reprochait justement à Delon dans Astérix aux Jeux Olympiques est ici érigé en génie pour Van Damme.

JCVD aurait pu être un très bon court métrage, il est un long métrage poussif pour happy few, pour ceux qui ont vu des films de Van Damme (un genre à lui tout seul) dans leur jeunesse. Le cinéphile doit-il aimer ces navets-là pour apprécier JCVD. Hélas oui. Dans quelques années, quelqu’un fera bien un film sur Ben Affleck avec lui-même jouant son propre rôle. A moins que ça n’existe déjà.

JCVD (France – Belgique – Luxembourg, 2008) Un film de Mabrouk El Mechri avec Jean-Claude Van Damme.

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