vendredi 11 avril 2008

Salé sucré


Monsieur Chu est cuisinier. Il est veuf depuis seize ans et a élevé seul ses trois filles qui ont entre vingt et trente ans. Bien qu'elles soient en âge de s'émanciper, elles habitent encore avec lui.

Chaque dimanche, une tradition s'est établie : le repas familial que Monsieur Chu prépare dès l'aube. Des plats en veux-tu, en voilà. Raviolis, canard laqué, pâté de soja, coq bouilli, en tout une bonne douzaine de plats. De quoi rassasier tout un bataillon. Taipeh a beau déborder d'activités, Monsieur Chu prépare avec la tranquillité du sage les mets que l'on devine les plus fins. Hacher, pétrir, malaxer, frire, bouillir, saupoudrer d'épices. Patience, les plats se créent devant nos yeux ébahis.

Pendant ce temps, les trois filles de Monsieur Chu vaquent à leurs occupations. L'aînée, Jen est à l'église. Depuis la fin de ses études qu'elle a mal vécues, elle s'est convertie au christianisme. Bigote, elle l'est devenue. Jen est professeur de chimie dans un lycée. Elle porte une tenue stricte qui la ferait presque confondre avec les uniformes des lycéens.

Kien est la deuxième fille. C'est une battante. Elle bosse dans une compagnie aérienne où elle s'occupe de trouver de nouveaux marchés. Si elle travaille le dimanche, c'est parce qu'elle faire la preuve qu'elle est une businesswoman hyper compétente qui lui permettrait d'avoir la promotion que tous les cadres espèrent : être responsable de la compagnie dans la succursale d'Amsterdam.

Ning est la plus jeune. Elle poursuit ses études et cherche à avoir sa première aventure amoureuse à vingt ans. Ning travaille dans un restaurant de hamburgers, ce qui, compte tenu du métier du papa, en dit long sur la liberté qu'elle entend conserver. Et cela mesure aussi la liberté qu'a acquise la jeune génération de Taiwan par rapport à la précédente.

Elles seront toutes là ce dimanche, mais un coup de téléphone vient perturber le repas pantagruélique qu'ils s'apprêtent à entamer. Monsieur Chu doit filer vite dans son restaurant où un énorme problème l'attend. Les ailerons de requin se désagrègent et le restaurant est plein de clients riches et exigeants. Il va rapidement trouver la recette adéquate, avec l'aide de ses cuistots et de son associé le vieux Wen.

A ce stade du film, on le voit, tous les quatre sont célibataires et accaparés par leur travail. Leur petite routine commence à leur peser. Sort alors la phrase magique : " J'ai quelque chose à vous annoncer ", et le récit de Salé sucré bifurque vers un nouveau mouvement scénaristique.

Kien lance à ses sœurs et à son père qu'elle va quitter le cocon familial. Elle s'est acheté un appartement dans un immeuble qui est en train de se construire. Pas de chance pour elle, les promoteurs sont des escrocs et ont volés l'argent des futurs locataires. Sa vie amoureuse est fluctuante. Elle couche de temps en temps avec Raymond, un de ses anciens petits amis, mais est très séduite par Li-kai, son élégant nouveau collègue de travail.

Ning, la plus jeune, passe son temps à rencontrer Guo-lun le petit ami de Rachel, une de ses collègues au fast-food, quand cette dernière doit rester au travail plus longtemps. A force de se voir chaque jour poser un nouveau lapin, Guo-lun finit par se lier à Ning. Et un dimanche, Ning annonce qu'elle va habiter avec le jeune homme parce qu'elle est enceinte de lui.

Et Jen, la coincée, est assez séduite par Dao, l'athlétique prof de gym du lycée où elle travaille. Chaque matin, Jen trouve sur son bureau dans la salle des profs, une lettre d'amour. Elle fantasme que c'est Dao l'auteur des lettres. Mais la réalité sera toute autre. Jen prendra pourtant de l'assurance après cette déconvenue et réussira à ce décoincer et à épouser son musculeux collègue.

Monsieur Chu voit l'une après l'autre ses filles quitter la maison familiale. Lui-même est en train de se rendre compte que ses papilles gustatives le lâchent. Mais comme dit son associé le vieux Wen, " comme Beethoven ". Les filles de Monsieur Chu aimeraient tant qu'il se marie à nouveau. Et justement, Madame Liang rentre des Etats-Unis.

Car il y a encore trois personnages que l'on n'a pas présentés. Madame Liang, sa fille Rong et sa petit fille Shan-shan. Rong et sa fille sont les voisines de la famille Chu. Le veuf fait régulièrement à manger à la gamine et va jusqu'à le lui porter à l'école. La gamine est ravie et ses petits camarades sont envieux. Shan-shan et sa mère font vraiment partie de la famille Chu.

Madame Liang croit pouvoir se remarier avec Monsieur Chu. Mais elle est une " vieille sorcière ", comme dit sa fille Rong. Elle ne cesse de se plaindre, de tout, de rien et surtout de son " incapable de fille ", et pire que tout, elle n'arrête pas de fumer sous le nez du pauvre Monsieur Chu qui veut bien se remarier, mais certainement pas avec elle. Et il va se marier à nouveau. Avec qui ? Pour le savoir, il faut voir le film.

Finalement Salé sucré est un film qui commence par un repas copieux à quatre (Monsieur Chu et ses filles) et qui se termine pas un repas très copieux à neuf. Manger et boire entre femmes et hommes, voilà la recette de cette jolie petite comédie rafraîchissante d'Ang Lee. Vous avez le menu, à vous de commander !

Salé sucré (飲食男女, Eat drink man woman, Taïwan – Etats-Unis, 1994) Un film de Ang Lee avec Lung Sihung, Wang Yu-wen, Wu Chien-lien, Yang Kuei-mei, Sylvia Chang, Winston Chao, Chen Chao-jung, Lester Chan, Yu Chen, Gua Ah Lei, Hong Chi-der, Hsu Gin-ming, Lin Huel-yi.

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