vendredi 21 mars 2008

Money crazy + From riches to rags


John Woo va bientôt revenir à l’honneur avec la sortie dans de bonnes éditions des volumes du Syndicat du crime réalisés il y a de cela deux décennies. On connaît justement le cinéaste pour ces films (dits cultes) produits par Tsui Hark, mais rarement pour ses films antérieurs dont il n’a aucune raison d’être fier. On le sait maintenant John Woo a eu beaucoup d’échecs commerciaux dans sa carrière hongkongaise. Il n’a pas toujours pu faire ce qu’il a voulu et surtout tourner avec les acteurs dont il avait envie.

Money crazy (1977) comme From riches to rags (1980) sont deux comédies cantonaises dégénérées qui ont comme vedette Ricky Hui, l’un des fameux frères Hui. Ricky a tenté l’aventure solo sans Michael (l’intello irascible) et Sam (le beau gosse). Ensemble, ils avaient joué dans Mr Boo détective avec un certain talent. Quand j’écris « dégénéré », je ne veux pas dire que Ricky l’est, mais que l’humour dans ces deux films (qu’il a produit) est particulièrement de bas niveau, et pourtant Dieu sait que je peux aimer parfois ça.

En fait, Ricky joue les débiles. Il le jouait déjà dans le film de son frère Michael et avec John Woo, il continue. Son regard vide et sans émotion aide beaucoup à accepter son état d’imbécile. Sa coiffure au bol également. Il est fringué de manière au mieux anodine (jeans, t-shirt) au pire ridicule (vêtements trop grands pour lui ou mal assortis). Bref, Ricky Hui a l’étoffe grotesque du clown.

Les « thématiques » des deux films sont transparentes comme l’indiquent les titres : l’argent et son corollaire, devenir riche et s’échapper de la pauvreté. Avoir du pognon a l’avantage, selon les protagonistes, d’attirer les filles, car vue la gueule qu’a Ricky, seul le fric peut faire venir les filles. C’est une vision commune de la plupart des comédies produites au sein du studio de la Golden Harvest, comme je l’avais raconté au sujet de la trilogie des Five stars de Sammo Hung. Cela inclue aussi l’idée que les femmes sont vénales et sa conséquence directe, une certaine misogynie des personnages, ici atténuée par la bêtise de Ricky.

Ricky Hui et Richard Ng

Johnny Koo et Ricky Hui

Ricky Hui fonctionne dans les deux films en duo. Avec Richard Ng dans Money crazy et avec Johnny Koo dans From riches to rags. Il n’y a pas vraiment de scénarios construits autrement que par saynètes où chaque plan échafaudé par nos antihéros est mis en pièce, soit par eux-même du fait de leur incompétence, soit par leurs ennemis qu’ils ont tentés d’arnaquer. Bien entendu, les filles ne sont pas en reste pour les humilier.

Les gags sont à peu près les mêmes dans les deux films. On s’y casse la gueule, on se ramasse un seau d’eau sur la tête, on marche sur une merde de chien, on y louche, on y fait des grimaces, on confond les gentils et les vilains, des bosses poussent toutes seules sur le front, et surtout on court dans tous les sens histoire de remplir l’espace et le plan. Seul gag réellement drôle : Ricky entend à la radio la chanson de son frère Sam extraite de Mr Boo détective, Ricky balance alors la radio à la flotte.

Il me semble tout à fait impossible de voir quoi que ce soit de la mise en scène de John Woo dans ses deux films-là. Comme si le cinéaste se sachant prisonnier du contrat qui le lie à la Golden Harvest se contentait de filmer platement et sans talent le scénario indigent et indigeste de son acteur principal. On pourrait presque dire qu’il fait de la résistance. Ironie du sort, Money crazy fut le plus gros succès au box-office de l’année 1977. John Woo put alors tourner La Dernière chevalerie. Malheureusement pour lui, ce film d’art martial s’est soldé par un grave échec. Retour donc à la case Ricky Hui, jusqu’à sa rencontre avec Tsui Hark.

Money crazy (發錢寒, Hong Kong, 1977) Un film de John Woo avec Richard Ng, Ricky Hui, Angie Chiu, Sam Hui, Lan Law, Ying Cheung, Lam Ching-ying, Dick Wei.

From riches to rags (钱作怪, Hong Kong, 1980) Un film de John Woo avec Ricky Hui, Jo Jo Chan, Johnny Koo, Lam Ching-ying, Ching Tong, Ka Yik.

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