dimanche 30 décembre 2007

Simply actors


Faire un film sur les acteurs qui surjouent est le sujet du dernier film de Chan Hing-kai, accessoirement secondé par Patrick Leung. Ensemble, ils ont fait les beaux jours de la comédie cantonaise à base de sexe. Non pas des films de cul, mais des comédies où les personnages essaient de comprendre la différence entre un homme et une femme. Longtemps, ce furent Lau Ching-wan et Louis Koo qui jouèrent les maris martyrisés par ces dames.
Depuis 2003 et Good times bed times, on avait un peu perdu de vue le duo, ce qui n’avait pas chagriné grand monde, puisque Wai Ka-fai avait pris le relais, en mieux, avec notamment l’excellent The Shopaholics. Mais, ils reviennent avec Simply actors qui dure rien de moins que deux heures mais le casting est un peu à la baisse. Dommage !
Jim Chim n’est pas un acteur de premier ordre. Il vient du café-théâtre (si le terme peut se transposer à Hong Kong) et a joué dans quelques films de Pang Ho-cheung où j’appréciais son cabotinage : la scène entre Cheung Tat-ming, Eric Kot et Lam Suet quand ils doivent assassiner un ponte des triades, le ponte décadent c’était lui.
Dans Simply actors, il est Man-long, un flic pas des meilleurs. Un jour, il est envoyé avec des collègues sur le terrain. Il fait tout foirer l’opération. On le voit arriver sur place en mimant le ralenti. Ses patrons Hui Siu-hung (acteur fétiche de Johnnie To) et Ann Hui (qui comme d’habitude ne joue pas, elle susurre ses dialogues presque en faisant la gueule), l’envoient prendre des cours de comédie (?).
Ses camarades de cours sont tous des jeunes. Parmi eux se trouve Dani Dan (Charlene Choi, une habituée du cinéma de Leung et Chan) qui est une actrice de films roses, de porno soft. Elle cherche aussi à améliorer son jeu entre les scènes de cul. Les deux ringards vont se lier d’amitié.
Le scénario de Simply actors est essentiellement composé de sketchs. Il est difficile de parler de progression de l’intrigue. Ça rame un peu mais quelques gags font mouche, comme le tournage d’une scène du film érotique où Choi et Chim s’en donnent à cœur joie dans le cabotinage le plus éhonté. Autre moment drôle, une scène poursuite avec tous les acteurs déguisés et où rien ne fonctionne comme cela devrait.
Patrick Leung et Chan Hing-kai ont bien entendu voulu rendre hommage aux acteurs, aux bulles de champagne qui explosent parfois quand un acteur ou une actrice se met à aller plus fort que le simple scénario (comme a pu le faire très souvent Stephen Chow). Le cabotinage est une des qualités du cinéma de Hong Kong, Lam Suet dans certains films de Johnnie To en sait quelque chose. Là, la cabotinage dure deux heures.
Eric Tsang (un autre habitué du surjeu) joue un professeur de comédie. Il montre ce vers quoi doivent tendre les acteurs : pouvoir passer du rire aux larmes. Il le fait magistralement en passant sa main devant son visage et change de ton immédiatement. C’est magnifique. Plus tard, Jim Chim essaie, mais éclate en sanglot, incapable de rire. Là aussi, les réalisateurs tentent de donner à leur acteur une légitimité dramatique. En vain.
Autre problème du film : beaucoup des meilleurs acteurs de Hong Kong sont sous employés. Chapman To, Sandra Ng et Anthony Wong ont l’air de s’ennuyer. C’est très rageant et bien dommage. Simply actors a presque fait un bide. Il aurait mieux valu le sortir à l’occasion des comédies du Nouvel An Lunaire.
Simply actors (戲王之王, Hong Kong, 2007) Un film de Patrick Leung et Chan Hing-kai avec Jim Chim, Charlene Choi, Hui Siu-hung, Ann Hui, Eric Tsang, Anthony Wong, Chapman To, Alan Mak, Lam Suet, Isabella Leong, Derek Tsang, Fruit Chan, Wilson Yip.

dimanche 23 décembre 2007

Needing you


Needing you marque une étape dans la carrière de Johnnie To. C’est celle de sa première collaboration avec Wai Ka-fai en tant que co-réalisateur. Le duo signera ensemble dix films en quatre ans, uniquement des comédies bizarres qui mêlent plusieurs tons, qui pratiquent l’hybridation, qui ne sont pas réductibles à la notion de cinéma d’auteur. On peut se poser longtemps la question de savoir qui fait quoi dans la mise en scène de ces films tournés par Johnnie To et Wai Ka-fai. D’autant que ceux tournés par To seul durant cette période sont très différents et plutôt ratés (Running out of time 2, Throw down) à l’exception de PTU. Il semble assez évident, quand on a vu les films de Wai Ka-fai en solo, que Needing you lui doit plus qu’à To.

Mais cela n’est pas le plus important. Le plus important dans Needing you c’est qu’il marque le début d’une trilogie avec Andy Lau et Sammi Cheng autour de la maladie. L’obésité dans Love on a diet puis la leucémie dans Yesterday once more. Dans Needing you, la maladie est moins importante : la timidité, les troubles obsessionnels compulsifs, en gros l’incapacité de vivre en société, de dire ce que l’on pense, l’idée qu’il est difficile de faire face aux obstacles.

Andy (Andy Lau) est un jeune cadre dynamique et par ailleurs un homme à femmes. Très vite dans l’entreprise où il bosse, des rumeurs courent que lui et Kinki (Sammi Cheng) auraient une liaison. Kinki est la bonne poire, tous ses collègues profitent d’elle pour lui donner leur boulot. De plus, elle est rêveuse mais déterminée, mais se laisse toujours abuser. Bien entendu, Andy et Kinki vont tomber amoureux.

Dès que quelque chose ne va pas chez Kinki, elle se met à laver partout, comme pour nettoyer le mal qu’elle pourrait faire. Dans Love on a diet, elle mangera. Plus loin dans le film, elle refilera son TOC à Andy Lau. C’est tout un système d’échange qui irrigue Needing you et qui fait se lier les divers personnages : l’ex d’Andy, l’ex de Kinki et un chef d’entreprise.

Sammi Cheng prête au personnage de Kinki une belle naïveté. C’est la raison pour laquelle on accepte le scénario. Le duo qu’elle forme avec Andy Lau fonctionne à merveille. L’acteur se permet même de se parodier avec une référence à A moment of romance et ses motos. D’ailleurs, il faudra un jour préciser l’attraction qu’exerce la moto sur les personnages de Johnnie To.

Needing you (孤男寡女, Hong Kong, 2000) Un film de Johnnie To et Wai Ka-fai avec Andy Lau, Sammi Cheng, Fiona Leung, Raymond Wong, Hui Siu-hung, Hoi Chun-kit, Florence Kwok, Sylvia Lai, Kenny Kung, Lam Suet, Andy Tse, May Fu, Englie Kwok, Vanessa Chu, Terence Lam, Sheron Cheung.

samedi 22 décembre 2007

Spider lilies


Takeko (Isabella Leong) est tatoueuse dans une petite boutique de Taipeh. Elle-même est tatouée. Elle a sur le bras une fleur de lys en forme d’araignée dessinée. Dans sa boutique, elle a deux clients principaux : Jade (Rainie Yang) et un jeune loubard qui veut se faire tatouer des sabres.

Jade exerce le métier de pin-up sur un site internet de charme. Son client favori a pour pseudo Silence. Elle va vite se persuader que Silence est Takeko, mais il s’agit en fait d’un policier bègue qui va tomber amoureux de Jade.

Cette dernière est amoureuse de Takeko. Elle la connaissait dans son enfance, il y a de cela quelques années, dans le Taiwan profond. Un tremblement de terre a tué les parents de Takeko (des Japonais comme le prénom l’indique, Taiwan était très marqué par le Japon sous diverses manières). Son frère en a perdu la raison.

Le quatuor de personnages de Spider lilies porte chacun un masque, se cache et est incapable d’affirmer sa personnalité propre. Tatouage, perruque, écran, pseudonymes, caméra, conversations électroniques, tout est bon pour ne pas avancer directement vers la personne aimée.

Chacun aimerait être un autre et doit parfois vivre la vie que l’on attend qu’il vive. Takeko, Taiwanaise avec ce prénom japonais doit s’occuper de son frère malade. Jade aguiche les hommes alors qu’elle aime une femme. Le policier ne peut pas parler et ment à Jade. Le jeune loubard se croit obligé de jouer au dur et ceux qu’il harcelait se vengeront en lui coupant un bras.

Zero Chou, jeune réalisatrice, filme avec beaucoup de sensualité ses deux actrices principales. Le scénario reste assez convenu et le film souffre parfois d’un trop plein d’explication. Tout Spider lilies repose sur le charme d’Isabella Leong. Et autant dire qu’elle est très bien.

Spider lilies (刺青, Taiwan, 2007) Un film de Zero Chou avec Isabella Leong, Rainie Yang, Shen Jian-hung, Kris Shie, Shih Yuen-chieh

jeudi 20 décembre 2007

Sorties à Hong Kong (décembre 2007)

Trivial matters (破事兒)
Un film de Pang Ho-cheung avec avec Jan Lamb, Chan Fat-hung, Kristal Tin (Vis Major), Edison Chen, Stephanie Cheng (Civism), Eason Chan, Isabel Chan, Chapman To (It’s a festival today), Kenny Kwan, Angelababy, Patrick Tam (Tak Nga), Stephy Tang, Gillian Chung, Juno Mak (Ah Wai the « Big Head »), Eason Chan, Chapman To, Zhang Zheng (Recharge), Feng Xiaogang, Peter Kam, Shawn Yue, Conroy Chan (Junior). 89 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 20 décembre 2007.



mardi 18 décembre 2007

The Worst man in my life


Comme la comédie américaine du mariage récente (de Serial noceurs à En cloque mode d’emploi), la comédie coréenne mets les losers en avant. Et mieux encore, deux ratés parfaits et très drôles dans The Worst man of my life, premier film de Son Hyeon-hee (appelé parfois The Worst guy ever.

Elle s’appelle Ju-yeon et lui Sung-tae. Leurs amis pensent qu’ils formeraient un beau couple, mais ils n’y croient pas. Ils veulent rester bons amis, comme on dit souvent avant de tomber amoureux. Ce qui va les rapprocher sera l’alcool, comme dans un film de Blake Edwards. Ils sont persuadés que coucher ensemble est une connerie mais c’est plus fort qu’eux.

Bien entendu, une fois qu’ils ont dessoulé, que l’ivresse est passée, quand l’alcool a fait a fini son effet, ils ont honte. Au bout de quelques coucheries, ils se décident à se marier. Et là commence la problème. Au bout de quelques jours, ils rencontrent, chacun de leur côté, un homme et une femme dont ils pourraient tomber amoureux.

Ju-yeon s’approche irrésistiblement de Jae-hoon, un photographe plutôt beau gosse avec qui elle doit travailler. Idem pour Sung-tae qui regarde désormais d’un autre œil Mi-yeon, sa supérieure hiérarchique. La tentation de l’adultère est très forte.

Dès lors The Worst man of my life s’apparente aux comédies du remariage : disputes entre les deux époux, grosses batailles verbales et physiques. Les décors font ici merveille avec notamment le canapé au milieu du salon du couple en péril. Tous les mauvais coups sont permis et le scénario en développe beaucoup pour le plaisir du spectateur.

Ils veulent divorcer, mais se rendent compte qu’ils ont oublié de se marier officiellement. C’est à ce moment que le film commence un peu à patiner et à s’essouffler. Le faux vrai couple se rend compte qu’ils s’aiment vraiment, mais la machine s’est un peu enraillée.

The Worst man of my life est une assez bonne comédie avec beaucoup de défauts mais qui se regarde avec un certain plaisir.

The Worst man of my life ( 생애 최악의 남자, Corée 2007) Un film de Son Hyeon-hee avec Yeom Jeong-ha, Tak Jae-hoon, Yoon Ji-min, Sin Seon-rok

lundi 17 décembre 2007

Raped by an angel


Encore une production de Wong Jing. On ne va pas le présenter une nouvelle fois, mais il faut reconnaître que l'homme savait y faire pour attirer le client. Au programme de Raped by an angel : des filles dévêtues, un mec pervers, et logiquement (vous avez sans doute compris le titre du film) un mec pervers qui viole des filles dévêtues.

Il ne se sera pas passé deux minutes pour que le premier viol soit commis. Une femme rentre chez elle le soir. Elle se déshabille. On aperçoit un homme derrière la vitre. Il ne porte qu'un slip blanc et un masque de joueur de hockey. Hop, il la menotte et la viole. Mais le gars est le mari de la demoiselle, et il ne peut jouir qu'en simulant le viol. Il est cependant très attiré par une pub où deux jeunes actrices vantent un produit lacté. La pub ressemble à celle du début de Jackie Brown où des femmes en soutien gorge jouent avec des fusils. Là, le gars se dit qu'il adorerait coucher avec ses filles.

Les filles sont deux étudiantes. Man-man (Jacqueline Ng, vedette éphémère de l'industrie) et Yuk-nam (Chingmy Yau, la compagne de Wong Jing). Cette dernière fait des études de droit, et justement ce jour-là, son prof fait un cours sur le viol. Il s'avère que notre héros (le pervers) est avocat. Chuck (Mark Cheng) va ourdir une machination diabolique qui aura pour but d'abuser des demoiselles. Il s'en prend d'abord à Man-man en s'installant sur le même palier qu'elle. Il va la violer, elle portera plainte, mais en bon avocat, il aura tout prévu pour la faire passer pour une mythomane.

Face à l'avocat pervers se trouve le gentil truand surnommé Tartelette (Simon Yam) parce qu'il mange tout le temps des tartelettes. Yuk-nam veut faire une interview de lui, mais petit à petit, ils tombent amoureux. Wong Jing et Andrew Lau procèdent ici à une inversion totale des rôles, que l'on pourrait juger de politiquement incorrecte si le Raped by an angel n'était pas aussi racoleur.

Je ne dévoilerai pas le suspense du film qui fonctionne parfaitement à partir du procès jusqu'à la fin du film plutôt bien troussée. Cela fonctionne pour partie grâce à l'interprétation de Mark Cheng qui passe du calme le plus absolu à la perversité la plus crasse. Le personnage de Simon Yam permet de souffler un peu grâce à sa drôlerie. Il n'arrête pas de dire des jurons ce qui gène Yuk-nam. La scène de l'anniversaire de la maman de Tartelette est hilarante. Sous l'apparence d'une vieille dame très digne se cache un monstre de vulgarité.

Bref, si vous aimez les jolies actrices de Hong Kong qui se promènent à poil dans leurs appartements ou si vous rêvez d'admirer des fesses aussi fermes que celles de Mark Cheng, n'hésitez pas Raped by an angel est fait pour vous.

Raped by an angel (香港奇案之強姦, Hong Kong, 1993) Un film de Andrew Lau avec Mark Cheng, Simon Yam, Jacqueline Ng, Chingmy Yau, Nick Cheung

jeudi 13 décembre 2007

Sorties à Hong Kong (décembre 2007)

Warlords (投名狀)

Un film (Chine – Hong Kong) de Peter Chan Ho-sun avec Andy Lau, Jet Li, Takeshi Kaneshiro, Xu Jinglei. 127 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 13 décembre 2007.

mercredi 12 décembre 2007

The Longest nite


Le cinéma, c'est du temps, disait Jean Renoir. The Longest nite illustre parfaitement cette affirmation. Unité de temps (une nuit entière), unité d'action (l'affrontement entre un flic et un tueur à gages), unité de lieu (Macao), The Longest nite ne s'encombre pas de fioriture pour décrire la guerre que se mènent deux triades adverses pour la prise de pouvoir. Une voix off donne quelques explications sur les enjeux du film : Monsieur K. et Monsieur Lung cherchent à s'éliminer mutuellement pour devenir le boss. Mais c'est Monsieur Hung qui a tout manigancé en les montant l'un contre l'autre pour se débarrasser d'eux.

Au milieu de cette bataille de clans, arrivent Tony Leung et Lau Ching-wan. Leung est un flic corrompu par Monsieur Hung, vieux maître en costume traditionnel qui entend rester le seul à la tête des triades. Flic ultra nerveux qui passe son temps à éponger sa sueur, flic violent qui n'hésite pas à dissimuler des preuves et à torturer des témoins ou des suspects lors des interrogatoires. Il frappe sans distinction homme et femme. Patrick Yau filme ces scènes sans concession pour le spectateur. Leung, pour avoir un renseignement, frappe violement le poignet d'un homme avec une bouteille de ketchup. Maggie Siu se ramasse quelques coups de poing dans la tête pour qu'elle accepte de faire de fausses confessions et accuse Lau Ching-wan.

Venons-en à ce dernier. Lau Ching-wan était à l'époque, en 1997, au fait de sa gloire enchainant les rôles brillants : Beyond hypothermia de Patrick Leung, Black mask de Daniel Lee, Lifeline de Johnnie To ou encore Full alert de Ringo Lam. C'est lui le pivot de The Longest nite, celui sur qui se cristalise l'action. Lau interprète un personnage buté, une tête brûlée. Il sort de prison. Crâne rasé, tatouage sur la nuque, vêtu d'une chemise ouverte qui laisse apparaître un pendentif, son personnage est aux antipodes de celui de Tony Leung. Calme, froid, circonspect et taciturne, il est certain d'arriver à ses fins (éliminer un des deux chefs de clan pour le compte de l'autre). Quand la police l'interpelle et l'arrête, il trouve le moyen de s'échapper (notamment dans une scène très forte en brisant le pare-brise d'une voiture avec son front) et de continuer sa mission.

Cette opposition de personnages typique des films de la Milkyway fonctionne ici à plein régime. Mais Patrick Yau ne se contente pas de mettre en situation un polar où les situations sont finalement assez classiques. Il ne résiste parfois pas à certains tics, tel un rendu des rues à la NYPD (rapides mouvements de caméra, zoom) ou en mettant des extraits de la bande son de Midnight express par Giorgio Moroder. Mais la nuit est filmée de manière splendide soulignant les contrastes qui rendent hommage à Orson Welles : magnifiques travellings en contre plongée, une scène où la poussière flotte, un final inspiré de celui de la Dame de Shanghai. The Longest nite est certes un film en couleurs, mais certaines séquences paraissent tournées en noir et blanc dans la plus grande tradition des films noirs américains des années 1940.

The Longest nite est un film indispensable aux amateurs de polars hongkongais. En bonus se trouve un livret sur le film. Pour dire la vérité, on aurait préféré un film en complément de programme, l'étrange Too many ways to be N°1 réalisé à la même époque par Wa Ka-fai avec également Lau Ching-wan, et se déroulant aussi à Macao.

The Longest nite (暗花, Hong Kong, 1997) Un film de Patrick Yau produit par Johnnie To et Wai Ka-fai avec Tony Leung, Lau Ching-wan, Maggie Shiu, Lo Hoi-pang, Lung Fong, Ching Siu-lung, Mark Cheng, Fong Kong, Wong Tin-lam, Yuen Bun, Lee Suk Kei, Lam Suet, Santos, Wu Kwok-chiu, Ha Chak-shun, Eric Huen Chi-kit, Chiu Chi-shing, Wong Kin-hung, Simon So Kwok-ho, Chau Tak-wah, Mou Kin-tak, Ngai Shun-choi, Lam Har, Law Cheng-ting.

mardi 11 décembre 2007

Exodus


Le dernier film de Pang Ho-cheung, Exodus, commence par une des scènes les plus étranges vues depuis un bon bout de temps. Elle est d’autant plus étrange qu’elle ne trouve guère d’explication dans le reste du film. Avec Exodus, l’impression que le cinéma de Pang est passé à un niveau supérieur semble désormais évidente. Son échec au box-office hongkongais n’en est que plus dommage, même si le cinéaste a déjà fini son septième film Trivial matters, qui sort fin décembre 2007.

Cette scène initiale qui plonge dans un abîme d’introspection est la suivante. Sur un morceau de Mozart apparaissent deux yeux en gros plan. La caméra commence un travelling arrière. Les yeux sont ceux de la Reine Elisabeth II. Son portrait orne le couloir dans lequel un homme en maillot de bain, avec palme tuba et masque de plongée se trouve. Un autre homme habillé pareil arrive, lui offre une clope. La caméra continue son lent et beau travelling. On découvre d’autres mecs, toujours la même tenue, en train de frapper un pauvre gars avec un marteau (référence à Election 2 ?)

Exodus est donc lancé sur une scène mystérieuse, inexpliquée et l’ensemble du film sera un bloc énigmatique comme rarement on en voit à Hong Kong, que ce soit dans le scénario comme dans les images. Il n’y a peut-être qu’avec Exilé de Johnnie To, avec qui il partage certains acteurs, que Exodus pourrait être comparé. Ne serait-ce qu’en rapport avec leurs titres.

Yip (Simon Yam) est un simple flic. On lui confie un homme qu’il doit interroger. Kwan (Nick Cheung) est accusé de voyeurisme dans les toilettes pour dames. Mais Kwan affirme qu’il espionnait la réunion d’un syndicat secret, celui des femmes tueuses d’hommes. Yip essaie de raisonner Kwan, mais rien n’y fait, il maintient son histoire de complot. Or, le lendemain, Yip est étonné de ne plus voir Kwan. Il est revenu à des propos raisonnables après avoir rencontrer la supérieure de Yip, Madame Fong (Maggie Siu).

Entre temps, l’idée de ce syndicat de tueuses fait son chemin dans la tête de Yip. Il commence à voir des signes de partout. Il devient de plus en plus convaincu que la mort de son beau-père ne peut être naturelle. D’autant que sa belle-mère (Candy Yu) se mêle trop des affaires de Yip et de Ann (Annie Liu) sa femme. Yip veut poser d’autres questions à Kwan, va le retrouver chez lui, mais le danger pointe. Kwan disparaît même. Sa femme Siu-yuen (Irene Wan) le cherche aussi. Madame Fong lui promet même une promotion en échange de son silence.

Exodus aurait pu être un polar comme les autres. Son scénario contient suffisamment de révélations pour ne jamais être ennuyeux. Andrew Lau aurait fait un film différent avec la même matière, comme l’a montré le récent Daisy. Mais Pang Ho-cheung choisit de laisser son intrigue dans le mystère. Pour cela, il déréalise ses plans sans toutefois les plonger dans le fantastique. Du coup, Exodus est un plaisir visuel de chaque instant, à l’image du plan séquence inaugural de quatre minutes.

L’idée de Pang est d’alterner les mouvements. Filmer un travelling avec des personnages immobiles et inversement filmer des personnages qui viennent vers la caméra (sur un pont, dans un couloir, dans un ascenseur) en plan fixe. Il alterne les mouvements ascendants et descendants, les gros plans et les très larges, les silences et les longues discussions, les scènes à un personnage et d’autres plus peuplées.

L’idée du regard est aussi très présente, La scène de la première rencontre entre Yip et Ann est à cet égard la plus réussie. Pang Ho-cheung aime aussi filmer un cadre dans le cadre, comme la scène d’interrogatoire où d’ailleurs Simon Yam regarde fixement Nick Cheung qui baisse constamment la tête. Le cadre dans le cadre, c’est l’idée que certaines choses doivent rester cachées, que tout ne peut et ne doit être visible de tous. On ne sait bientôt plus qui pense quoi, pourquoi telle personne agît de telle façon, mais c’est ce mystère qui plaît.

Tout cela, ce mystère, cette énigme, est aussi accentué par l’immense travail sur les décors et les couleurs qui les composent. Bleu et marron. Costume des flics. Peau de Simon Yam nu. Boiserie du commissariat. Coussins du canapé. Tout au début est clairement déterminé puis tout se mélange, se brouille. C’est d’autant plus troublant que c’est un Hong Kong inhabituel qui est filmé. Une ville sans habitants, avec des décors inédits (gros travail de recherche sur les angles et les courbes), un lieu totalement dans le monde cinéma. C’est très beau si l’on ne cherche pas une explication à tout, si l’on aime l’abstraction narrative.

On pense à certains films de Claude Chabrol, ceux de la fin des années 1960 et du début des années 1970 où le cinéaste s’amusait avec le récit tout autant qu’avec le cadre. On pense aussi à Chabrol grâce à la musique lancinante de Gabriele Roberto jouée au piano par Aiko Takai. Elle ajoute au mystère.

Avec Exodus, c’est un cinéaste en pleine possession de ces moyens que l’on trouve, un cinéaste capable de maîtriser autant l’image que le scénario, un cinéaste qu’il n’est de toute façon même pas la peine de comparer avec d’autres tant son univers semble aujourd’hui évident et important. Mais Pang Ho-cheung est surtout un cinéaste qui n’a pas encore eu la chance d’être distribué en France. Mais cela ne devrait plus tarder, d’ici quatre ou cinq ans. Qui sait…

Exodus (出埃及記, Hong Kong, 2007) Un film de Pang Ho-cheung avec Simon Yam, Annie Liu, Nick Cheung, Maggie Siu, Candy Yu, Jim Chim, Irene Wan, Lam Ka-tung, Siu Yam-yam.

lundi 10 décembre 2007

The Happy ghost + Happy ghost II + Happy ghost III


The Happy ghost est typique des comédies cantonaises produites par la CCC (Cinema & City Film Company) dans les années 1980. Dean Shek, Karl Maka, Jacob Cheung à la production, Klifton Ko à la mise en scène et Raymond Wong (pas le compositeur, on s’entend) en vedette et au scénario.

Raymond Wong a toujours été une énigme pour moi. Comme un type aussi falot a-t-il pu avoir à cette époque avoir une telle carrière. Il y a tout de même eu cinq épisodes de Happy ghost qui ont tous plutôt bien marché. Et d’autres films encore comme l’incroyable All’s well ends well, où immanquablement ils se faisait voler la vedette par les autres acteurs.

Dans The Happy ghost, il n’y a pas vraiment de scénario. Tout est bon pour filmer des jeunes actrices. Et des jeunes actrices, il y en beaucoup ! L’idée géniale de la clique de la CCC est de faire se dérouler le film dans une université pour filles. Commode, n’est-ce pas !

Le joyeux fantôme qu’interprète Raymond Wong Bak-ming s’appelle Kit. Il s’est suicidé et son âme est restée dans la corde avec laquelle il s’est pendu. Quelques siècles plus tard, cinq écervelées, parties camper, vont le découvrir et en faire leur ami. Lui, est très choqué que les jeunes filles portent de si courts vêtements. Clifton Ko en bon tâcheron prend un malin plaisir à filmer les culs des demoiselles. Que ne faut-il pas faire pour devenir une starlette !

Autre idée géniale : filmer une compétition d’athlétisme. Elles sont toutes en short. Parce que quand même, il faut être tout public. Ils n’iront pas plus loin. Kit aide Bonnie (Bonnie Law) à gagner la compétition. Mais, la tricherie c’est mal. Les copines feront d’ailleurs plus tard du chantage pour qu’il les aide pour l’examen final.

Il arrive quelques péripéties aux filles. L’une tombe enceinte sans le vouloir. Une autre a des parents sévères. Une autre est trompée par son petit ami. Le tout est de tenter de faire rire avec ce matériau scénaristique. A vrai dire, tout l’humour est contenu dans les quiproquos que produit Kit dans ses apparitions soudaines, ou dans les catastrophes qu’il crée bien malgré lui.

La chose la plus intéressante de The Happy ghost est la méchante du film. C’est la Mère supérieure de l’université. Elle ne cesse de brimer les filles. Elle est sévère, mesquine et coincée. On pourrait dire que Wong et Ko montre que le catholicisme va à l’encontre du taoïsme. Mais ce serait aller un peu trop loin dans l’analyse. Et je n’irai pas jusque là.

En revanche, il n’y a rien à sauver dans Happy ghost II sorti un an plus tard. Ici, Raymond Wong revient avec ses lunettes. Il est censé être le fils de la jeune femme enceinte dans le premier. En dehors de l’anachronisme de la situation, puisqu’on n’avait pas remarqué que le premier film commence dans les années 1960, le personnage de Raymond Wong Bak-min ne se rappelle pas ses anciennes vies. Il va du coup rencontré le fantôme Kit et renoncer à ses pouvoirs surnaturels. Mais, il aura pourtant besoin.

Du point de vue scénaristique, c’est le néant. Les étudiantes ne font plus de l’athlétisme mais du water-polo, ce qui permet de filmer longtemps les actrices en maillot de bain. Concours de T-shirts mouillés. Les étudiantes ne cessent de faire des crasses à Raymond Wong Bak-ming ce qui lui vaudra d’être pris pour un très vilain et d’être renvoyé. Pour réparer cette situation, il veut récupérer ses pouvoirs. Ce qui crée des quiproquos avec Fennie Yuen : il doit dire « je vous aime » pour faire sa magie. Elle croit qu’il l’aime.

Le film est très ennuyeux. Il souffre aussi d’un travers : il est truffé de publicité pas déguisée pour Coca. On voit tous les personnages tenir des cannettes avec la marque bien visible, dans des situations parfois assez incongrues.

Happy ghost III est un peu mieux sans être bien. Il y est toujours question de réincarnation. Raymond Wong Bak-ming et Fennie Yuen se sont mariés mais, comme toutes les femmes des comédies CCC, elle est très jalouse et pas très maline. Ici, Raymond doit aider sans le savoir une chanteuse récemment décédée à se réincarner. Mais, bien sûr rien ne va se passer comme prévu. Bien au contraire.

La jeune chanteuse est interprétée par Maggie Cheung, alors starlette en devenir et qui passe son temps à sourire. Maggie ne fait rien qu’à embêter le pauvre Raymond qui, comme d’habitude, fait de ses grosses lunettes sur son petit visage l’essentiel de son pouvoir comique : c'est-à-dire rien. Le film se moque gentiment des vedettes de la cantopop avec un personnage de jeune chanteur. Cette fois les étudiantes font du football.

Le seul réel intérêt de Happy ghost III est de voir Tsui Hark dans un petit rôle. Il y est au début le « maître de la réincarnation » qui promet une nouvelle belle vie à Maggie Cheung. Tsui Hark est crédité aussi comme responsable des effets spéciaux (mais où sont-ils ces effets spéciaux ?). De plus, le film est réalisé par Johnnie To. Le cinéaste sortait de cinq ans de purgatoire télévisuel. Happy ghost III marque le début d’une nouvelle carrière fructueuse puisqu’il rencontre Tsui Hark et tout sa bande.

La réalisation de Johnnie To n’est pas très visible. Il y a de jolis mouvements de caméra. Il prend un plaisir visible à filmer Maggie Cheung et d’une certaine manière évite à cette troisième aventure de sombrer dans l’ennui le plus profond. Le meilleur des trois Happy ghost que j’ai vus.

The Happy ghost (開心鬼, Hong Kong, 1984) Un film de Clifton Ko avec Raymond Wong Bak-ming, Loletta Lee, Bonnie Lau, Sandy Lamb, Teresa Carpio, Ng Siu-kong.

Happy ghost II (開心鬼放暑假, Hong Kong, 1985) Un film de Clifton Ko avec Raymond Wong Bak-ming, May Lo, Fennie Yuen, Charine Chan, Jeannie Kanai, Victoria Suen, Melvin Wong, Tang Kei-chan, Manor Chan.

Happy ghost III (開心鬼撞鬼, Hong Kong, 1986) Un film de Johnnie To avec Raymond Wong Bak-ming, Maggie Cheung, Tsui Hark, Fennie Yuen, Charine Chan, Sabrina Ho, Wing Lam, Tan Bee-lee, Danny Poon, Wong Ching, Mannor Chan, Leung San.

samedi 8 décembre 2007

Je suis un cyborg


C’est plutôt une bonne nouvelle que Park Chan-wook change de direction thématique après sa trilogie de la vengeance. Lady Vengeance avait fatigué tout le monde, sauf ses fans hardcore – s’il en existe. Mais changer de registre ne garantie pas de faire un bon film. Loin de là.

Je suis un cyborg commence dans une usine. Les couleurs pètent, le rouge en particulier. Il n’y a que des femmes, elles fabriquent des transistors. Elles sont telles des robots. Un voix leur dit quel élément placer. On s’approche de Young-goon, une jeune femme aux yeux étrangement écarquillés. C’est elle le cyborg. Il lui prend l’idée soudaine de se mettre une prise de courant sous la peau.

Direction immédiate : l’hôpital psychiatrique. Ou plutôt l’asile de fous. Car Park Chan-wook peuple cet hôpital de fous. Vraiment. Tout comme Young-goon qui est persuadé qu’elle est un cyborg, les autres patients ont tous des grains bien marqués. A priori, tout cela devrait être plutôt marrant, car les fous sont assez sympathiques.

Young-goon déjà. Elle parle aux néons et leur tient la conversation. Elle cause aussi avec le distributeur de bonbons. Elle se promène toujours avec son sac dans lequel elle a des outils.

Il-soon, lui, porte constamment un masque de papier sur le visage. Une autre pensionnaire dit qu’il a décimé toute sa famille. Il-soon est champion de ping-pong. Il passe parfois son fluide aux autres pour accomplir des actes étranges.

Gop-dan est une grosse dame qui n’arrête pas de voler les repas des autres. Elle est persuadée qu’elle va mourir si elle ne mange pas. Duk-cheun ne cesse d’être poli et de s’excuser pour un rien. Il marche à reculons. Et d’autres encore. Ils vont raconter leur folie dans le jardin.

L’idée principale de Park Chan-wook dans Je suis un cyborg est de mêler le vrai du faux. De ne pas indiquer quand il s’agit de folie ou de raison. Quand Young-goon décime tous les médecins et infirmières avec la mitraillette qu’elle a dans la bouche, on imagine qu’elle est vraiment un cyborg. En filmant de manière égale toutes les scènes, il tente de semer le trouble.

Seulement voilà, Je suis un cyborg est en retard de dix ans. Au moins !Après avoir bien regardé les films de Tarantino et de sa clique, il regarde vers Terry Gilliam (L’Armée des 12 singes - qu’on se rappelle l’histrionisme de Brad Pitt - ou Tideland dans cette volonté faussement naïve de mêler imaginaire et réalité). Il regarde vers David Fincher période The Game à Fight club.

En fin de compte, tout cela apparaît très ringard. Jamais on ne ressent une critique constructive de la réalité de la Corée, ou du monde. Le pire, c’est que les personnages, censés apporter un grain de folie, ne proposent rien d’autres qu’une autre normalité raisonnée, qui s’avère peu inventive et finalement pas drôle du tout. Park Chan-wook oublie sa virtuosité passée et donne dans le kitsch. Bref, on s’ennuie ferme.

Je suis un cyborg (I’m a cyborg but that’s OK, 싸이보그지만 괜찮아, Corée, 2006) Un film de Park Chan-wook avec Im Soo-jeong, Rain, Oh Dal-soo, Park Joon-mueon, Kim Joo-hee, Kim Byeong-ok

vendredi 7 décembre 2007

Les Trois maîtres Kim


Trois maîtres d’arts martiaux vont s’affronter dans Les Trois maîtres Kim. Le titre original du film de Park Seong-gyoon peut se traduire par Maître Kim contre Maître Kim contre Maître Kim. Dès le titre on aperçoit la comédie poindre sous le cinéma d’action. Et effectivement, il y a de la comédie.

C’est Shin Hyeon-joon, un habitué des comédies coréennes qui démarre le film. Il y est Kim le maître du taekkyon, l’art martial coréen. Il se croit dans un film d’époque et revient soudain à la réalité quand son fiston, aux cheveux aussi bouclés que lui, vient se plaindre qu’on la frappé. Kim va chez le voisin qui lui aussi s’appelle Kim. Il est prof de kendo et sort de temps en temps un proverbe en japonais qui apparaît sur l’écran comme sur un parchemin.

C’est un peu la bataille entre les écoles de combat, mais les deux premiers maîtres Kim ne sont pas des méchants et Les Trois maîtres Kim est et restera une comédie familiale. L’idée du générique est de présenter les personnages comme dans un jeu vidéo.

Arrive ensuite dans l’histoire le troisième Kim. Il enseigne le kung-fu. Et très vite, il s’attire les foudres des deux autrs Kim. « Le kung-fu, c’est que du spectacle », dit un Kim. Seulement voilà, Kim kung-fu est un mec sympa, il est intelligent, sait jouer du piano et surtout, il plaît à la belle Yeon-shil.

Dès lors le film va se jouer sur trois tableaux. Le premier est sur qui des trois Kim doit sortir avec Yeon-shil. Il doit y avoir un combat plus ou moins organisé par le père de la jeune femme. Le deuxième est la lutte contre la racaille locale. Pour diverses raisons, des petites frappes viennent harceler Dong-yung, le fils de Kim taekkyon. Puis, c’est aux trois maîtres que les racailles, de plus en plus nombreux, en veulent.

Le troisième tableau, enfin, concerne justement Dong-yung, le seul des trois Kim à avoir un fils. Le fiston est ballotté entre sa culture natale (le taekkyon) et le kung-fu. Il a un peu honte de son père qui se conduit comme un lâche.

Mais, en vérité, son père sera vraiment son héros. Les Trois maîtres Kim sans être un film patriotique tente de donner toutes ses lettres de noblesse à cet art inconnu chez nous. Les trois acteurs principaux s’en donnent à cœur joie dans la caricature des personnages. Une comédie gentille comme tout, filmée de manière très classique, sans inventivité. Les Trois maîtres Kim a attiré près d’un million de spectateurs en Corée début 2007.

Les Trois maîtres Kim (Three Kims, 김관장 김관장 김관장, Corée, 2007) Un film de Park Seong-gyoon avec Shin Hyeon-joon, Choi Seong-gook, Kwon Oh-joong, Oh Seung-hyun

jeudi 6 décembre 2007

Perhaps love

Peter Chan Ho-sun n'avait pas tourné de film depuis dix ans quand il se lance dans l'aventure Perhaps love. Faire un film chanté et dansé avec de nombreux figurants, des couleurs, de l'amour.
Peter Chan n'est pas un inconnu en France. En tant que réalisateur, on lui doit deux films avec Leslie Cheung (He's a woman she's a man, 1994 et Who's the woman who's the man, 1996) où Leslie était troublé d'aimer un garçon. En 1996, Comrades : almost a love story avec Maggie Cheung et Leon Lai rafle les plus prestigieux Hong Film Awards. Il tente l'aventure américaine en tournant un remake de son film, mais l'échec est énorme et il retourne à Hong Kong. Il se consacre à la production : la série de The Eye des frères Pang puis 3 histoires de l'au-delà et 3 extrêmes. Perhaps love a été son premier film à sortir en France. Le succès public en Asie a été phénoménal. Le film a reçu plusieurs Hong Kong Film Awards.
Le sujet de Perhaps love est banal : un triangle amoureux. Nie Wen (Jackie Cheung) est un réalisateur à succès. Il présente le sujet de son prochain film à la presse avec ses deux acteurs principaux : la jeune Sun Na (Zhou Xun, une actrice chinoise dont c'est le premier rôle) et Lin Jian-dong (le sex symbol Takeshi Kaneshiro). Sun Ma est la petite amie de Nie et son actrice fétiche. Elle est devenue une star dont on peut même voir une immense publicité sur les murs de Shanghai (une manière de faire du placement de produits). Nie Wen est en bout de course, il est en panne d'inspiration. Il explique à la presse que le sujet de son prochain film sera un triangle amoureux. Le film se déroulera dans les années 1930. Xiao-yu (le personnage de Sun Ma) deviendra amnésique. Elle ne reconnaîtra pas son amoureux, ira travailler dans un cirque et le maître de cérémonie tombera amoureux d'elle. Le film de Nie Wen sera une comédie musicale.
Mais ce que ne sait pas le cinéaste, c'est que Jian-dong a connu dix ans auparavant Sun Ma, alors qu'elle avait quinze ans. C'était à Pékin, ils étaient pauvres. Lui rêvait de devenir cinéaste, il deviendra après bien des galères un acteur. Elle est chanteuse dans un cabaret et a les dents longues. Ils tombent amoureux. Elle veut changer de vie et devenir actrice. Un producteur américain lui promet monts et merveilles. Elle se fera avoir. Une fois son premier engagement en poche, elle abandonnera Jian-dong. Leur retrouvaille est glaciale. Sun affirme qu'elle n'est pas la fille que Jian-dong a connue jadis. Perhaps love passe sans cesse de ce passé à Pékin au tournage à Shanghai. Pour compléter le triangle, le réalisateur Nie Wen décide qu'il jouera en personne le maître du cirque.
On le voit, l'idée majeure de Peter Chan Ho-sun est de faire un parallèle entre les deux histoires. Perhaps love sera donc une mise en abyme où les récits s'entrecroisent, où il arrive que Nie Wen regarde des rushes de l'histoire entre Sun et Lin, où les scènes du film dans le film ne sont que des scènes de tournage. On s'y perd un peu à vrai dire, d'autant que le message de Peter Chan Ho-sun n'est pas des plus neufs : où s'arrête la réalité, où commence la fiction ? Eternel sujet qui a donné quelques beaux films de Tous en scène de Vincente Minnelli jusqu'au Mépris de Jean-Luc Godard en passant par King of comedy de Stephen Chow.
Esthétiquement Perhaps love est une splendeur. Peter Chan Ho-sun, en bon producteur, s'est entouré des meilleurs : Peter Pau a photographié les scènes de Shanghai et Christopher Doyle celles de Pékin. Dora Ng a créé des costumes superbes (Zhou Xun a des robes merveilleuses, les tenues des danseurs des ballets sont colorés et luxueux). Peter Kam, Leon Kam et Leon Ko ont composé de belles chansons interprétées avec conviction par les acteurs, elles restent longtemps dans la tête. Peter Wong a joliment reconstitué des décors du Shanghai des années 1930. Bref, le film est un plaisir pour les sens. Mais cela ne suffit pas à satisfaire entièrement le spectateur pour la simple raison que Perhaps love manque d'émotion pure. Perhaps love donne parfois l'impression d'être un Moulin Rouge ! filmé par Wong Kar-wai. C'est étrange !
Les acteurs font tout pourtant pour donner de l'émotion au film, Peter Chan Ho-sun filme en gros plan les visages de ses acteurs pour affirmer leurs sentiments. Mais le ton est constamment mélancolique (en dehors des courtes scènes avec Eric Tsang et Sandra Ng, le film est totalement dépourvu d'humour). Perhaps love n'aurait pu être une belle histoire douce-amère. Telle quelle, elle est très amère.
Perhaps love (如果.愛, Hong Kong, Chine, Corée, 2005) Un film de Peter Chan Ho-sun avec Jacky Cheung, Takeshi Kaneshiro, Zhou Xun, Eric Tsang, Sandra Ng

Sorties à Hong Kong (décembre 2007)


The Flock

Un film de Andrew Lau (Etats-Unis) avec Richard Gere et Claire Danes.

mercredi 5 décembre 2007

Love battlefield


Il y a quelque chose d’assez émouvant de se rendre compte qu’on n’a pas eu tort. Il y a un an, je parlais dans mon ancien site de Dog bite dog, désormais visible en France, et en disait tout le bien que j’en pense. La question que je me pose toujours avec ce genre de coup de cœur, est de savoir si le film du cinéaste Soi Cheang, était un heureux hasard ou si l’homme avait déjà quelques chose de bien. Il faut dire que certains ses titres de ses films font peur.

Sans atteindre le niveau de Dog bite dog, il faut reconnaître que Love battlefield est très recommandable. Le dvd vient de sortir en France en complément du magazine Score Asia dont je dirai deux mots dès ma lecture achevée. En revanche, est-ce une mauvaise impression, mais on dirait que l’image est coupée sur la droite : les noms des acteurs sont pas en entiers. Mei Ah aurait-il escroqué Kubik ? Et quelle idée de mettre une VF !

Ce qui frappe d’abord dès les cinq premières minutes, c’est la rapidité avec laquelle Soi Cheang met en place ses deux personnages. Leur rencontre est vite mise en boîte. Deux jeunes en vacances, un vélo et très vite on les retrouve avec quelques mois de vie commune et déjà l’ennui du quotidien, la routine. Mais l’amour est un champ de bataille et la guerre qu’ils vont mener n’est pas des plus calmes.

On comprend très vite de toute façon que le cinéaste n’est pas à l’aise avec cette histoire de couple et que, ce qui l’intéresse, c’est la bataille, c’est l’affrontement entre deux raisons d’être. Donc, en guise de voyage romantique en Europe, lui, Yui (Eason Chan) se dispute avec elle, Ching (Niki Chow) parce qu’on leur a volée leur voiture. Yui retrouve le véhicule, mais surtout les voleurs autour.

Commence alors la galère, les coups de feu, le sang, les blessures, les cris, la douleur, les morts en rafale. Ching, qui voulait quitter son homme, se met à le rechercher avec deux amis et éventuellement un pote, flic, (Carl Ng), qui s’avèrera très con. Le route est semée de chausse-trapes et surtout de la femme du malfrat en chef, enceinte jusqu’aux dents et plus enragée que tout le monde.

Les voleurs viennent de Chine, parlent mandarin et veulent vendre de la drogue. Etrangement, on dirait que Yui les comprend, qu’il veut les aider. Il est infirmier et les soigne. Certes, contre son gré, mais il y a quelque chose d’étrange et d’ambiguë dans sa situation. Une idée comme le syndrome de Stockholm. D’autant, que les malfrats sont imprévisibles et vraiment tarés.

Mais, cela n’est pas le plus intéressant. Soi Cheang expérimente dans son film deux ou trois choses qui, sans être révolutionnaires, sont rares dans le film policier cantonais. Lors du premier affrontement entre les malfrats et la police, on voit les photos des cadavres des flics. Belle idée de flash forward. On y voit aussi pas mal de travail sur la lumière, comme il y en aura dans Dog bite dog. Lumière très bleue, très frontale, comme aux débuts de la Milkyway.

Sans arriver à la grandeur de Dog bite dog, Love battlefield est déjà quelque chose de troublant et de fort. Ainsi, ce que Soi Cheang envisage dans Love battlefield, il le concrétisera dans son autre film. Il n’y a pas encore de « message » politique, mais plutôt une envie de créer un univers visuel. Et ça, c’est de plus en plus rare à Hong Kong.

Love battlefield (.作戰, Hong Kong, 2004) Un film de Soi Cheang avec Eason Chan, Niki Chow, Wang Zhiwen, Qin Hailu, Raymond Wong, Kenny Kwan, Carl Ng.

mardi 4 décembre 2007

No regret


Su-min (Lee Yeong-hoon) travaille à l’usine. Il est un prolétaire qui fait différents petits boulots pour survivre. Le soir, il va prendre des cours d’informatique pour tenter de sortir de sa condition sociale et de s’élever dans le monde. Su-min est orphelin et habite avec un de ses amis de l’orphelinat. Ensemble, ils mènent une vie simple.

Un soir, il reçoit un coup de fil pour ramener un homme qui est trop soul pour conduire. Cela fait partie des jobs qu’il pratique pour gagner plus dans la Corée ultra libérale. Il conduit son client. Il s’agit d’un homme qui s’avèrera être le fils du patron de l’usine (Lee Han). Et ce fiston propose à Su-min de venir chez lui pour boire un verre et plus si affinités. Su-min refuse.

Plus tard dans la semaine, Su-min et l’autre se rencontrent à l’usine. Il y a des licenciements à l’ordre du jour. Su-min est dans le train mais le fils du patron l’apprend et il est réintégré. Ce qui met en colère Su-min qui démissionne. Hélas, il faut vivre et Su-min ira travailler au bar « karaoké » X-Large.

Le fils du patron l’apprend et va au bordel pour coucher avec Su-min dont il est tombé amoureux. Madame, le patron du lieu, insiste pour que Su-min fasse son travail. Mais, Su-min ne veut plus coucher avec le jeune homme qui ne cesse de venir le poursuivre des ses assiduités. Su-min ne veut plus le voir, mais rien n’y fait.

Ce que l’on apprend aussi, c’est que le fils du patron, contraint par les normes notamment celles de sa classe sociale, doit se marier. La mère et le père savent que leur fils est homosexuel, mais peu importe. L’amour n’est pas une règle pour le mariage. Mais petit à petit Su-min se laisse conquérir par le fiston qui enfin lui dit son nom : Jae-min.

No regret construit son récit sur l’image d’un pur mélo comme les Coréens en produisent par dizaine. Le film va d’un renversement de situation à un autre. Jea-min est amoureux de Su-min. Puis ce dernier accepte cet amour mais l’autre se refuse à cause du mariage, ce qui crée une bonne grosse jalousie colérique.

On passe du drame à la tragédie quand Su-min décide d’éliminer physiquement Jae-min alors que ce dernier vient de renoncer au mariage. Cela va-t-il bien se terminer ? Mais No regret est avant tout un film qui déploie son récit autour des rapports entre classes sociales, comme dans tous les mélos qui se respectent. De ce point de vue le cinéaste tient son film dans le droit chemin quitte à pousser jusqu’au bout les situations. La photographie est proche du noir et blanc.

Lee Song Hee-il était déjà l’auteur d’un film à sketchs sur les homos coréens. Finalement, No regret en dit beaucoup plus que certains films récents de festival sur la société capitaliste de la Corée, où tout peut être acheté, y compris les hommes.

No regret (후회하지 않아, Corée, 2006) Un film de Lee Song Hee-il avec Lee Han, Lee Yeong-hoon, Kim Dong-wuk, Hwang Chun-ha, Kim Jeong-hwa, Lee Seung-cheol

lundi 3 décembre 2007

Daisy


Entre Initial D et Confession of pain, Andrew Lau a tourné seul, sans Alan Mak, ce Daisy scénarisé par Felix Chong, l’auteur des Infernal affairs et Kwak Jae-young, réalisateur de My sassy girl, entre autres.

Car Daisy est une coproduction entre la Corée et Hong Kong. Jusque là, tout est normal, cela n’est pas une première. En revanche, le film se passe entièrement à Amsterdam, dans le quartier de Haarlem pour être précis. Difficile de comprendre pourquoi Lau et ses producteurs ont choisi de faire se dérouler le film en Europe et en Hollande en particulier.

Certes, notre héroïne Hye-young (Jeon Ji-hyeon) dessine. Elle fait des portraits des touristes sur la place publique. A un moment dans le film, les personnages discutent d’impressionnisme, pour parler de quelque chose. Cette Hollande-là semble ne pas exister vraiment. D’ailleurs tous les habitants parlent anglais.

Daisy décrit les tourments amoureux de trois personnages. Autour de Hye-young, deux hommes font leur apparition. D’abord Park (Jeong Woo-seong, beau gosse du cinéma coréen) qui est un tueur à gages ( !) et qui offre chaque jour à Hye-young un bouquet de marguerites (le daisy du titre qui ne désigne pas le prénom). Il le fait en secret. Il est tombé amoureux d’elle un jour de promenade à la campagne. Il a sauvé le sac à main de Hye-young, mais elle est partie sans avoir pu le récupérer.

L’autre homme, c’est Jeong-woo (Lee Seng-jae) qui lui est flic. Il se fait faire le portrait. Il revient chaque jour la voir. Park observe de loin ce petit manège et commence à être jaloux. Petit à petit, Jeong-woo pour s’accaparer la jeune femme, se fait passer pour l’homme aux fleurs. Jusqu’au jour où il se fait tirer dessus.

Hye-young perd l’usage de la parole à cause d’une balle perdue. Le truand s’est enfin fait connaître auprès d’elle, mais elle ne pense qu’au flic, qui a disparu. Tout cela désespère Park.

Daisy est un film étrange. Le scénario est assez peu crédible. Avaient-ils besoin de faire une histoire d’amour à trois avec une opposition flic truand ? Le scènes de gunfights au beau milieu de la place de Haarlem sont foireuses. On est bien loin du génie de Paul Greengrass dans la franchise Jason Bourne.

C’est bien entendu une tentative de renouvellement du genre deux garçons une fille. Le film ne fonctionne pas parce qu’on ne comprend pas la vraie raison de leur séjour en Hollande. On ne comprend pas pourquoi Park doit tuer ces gens-là. Dommage, car comme d’habitude, les images d’Andrew Lau sont toujours aussi splendides.

Daisy (데이지, Corée – Hong Kong, 2006) Un film d’Andrew Lau avec Jeon Ji-hyeon, Jeong Woo-seong, Lee Seong-jae, David Chiang

samedi 1 décembre 2007

Paysages manufacturés


Ce documentaire de l’Ontario sorti en catimini cette semaine en France, n’est pas un film sur la Chine d’aujourd’hui. La réalisatrice a suivi Burtynsky, photographe, dans sa recherche de paysages modifiés par la main de l’homme. Il photographie les usines, les carrières à l’air libre, les carcasses de voiture, les ponts. Bref, tout ce qui dans la nature est abîmé par la culture.

Paysages manufacturés ne prendra pas ouvertement position, pas plus que ne le faisait Notre pain quotidien au printemps. C’est à la fois sa force et sa faiblesse, puisqu’on ne sait pas si Burtynsky admire les désastres de l’ultra libéralisme en Chine, où le film a principalement été filmé notamment à Shanghai, et au Pakistan.

Quelques plans frappent par leur caractère imposant. Paysages manufacturés sur un travelling dans une usine. Pendant sept minutes, la caméra filme les ouvriers. Puis, on les retrouve, ces ouvriers qui osent à peine regarder l’objectif, dans l’allée de l’usine pour une immense photo collective digne des ballets communistes.

Le film va ensuite, évidemment, vers l’horreur de l’humanité actuelle : le barrage des Trois Gorges dont Jia Zhangke avait déjà parlé dans Still life. On y voit les ouvriers détruirent leur ville, leur passé. Là, c’est très fort. Beaucoup plus fort qu dans le film de Jia. Et on se dit que vraiment on marche sur la tête, qu’on est en train de devenir complètement fous. Un film qui fait peur.

Paysages manufacturés (Manufactured landscapes, Canada, 2006) Un film de Jennifer Baichwal sur Edward Burtynsky