jeudi 29 novembre 2007

Sorties à Hong Kong (novembre 2007)

Mad detective (神探)
Un film de Johnnie To et Wai Ka-fai avec Lau Ching-wan, Lam Ka-tung, Kelly Lin, Andy On, Lam Suet, Eddie Cheung. 91 minutes. Classé Catégorie III. Sortie : 29 novembre 2007.

In love with the dead (塚愛)
Un film de Danny Pang avec Shawn Yue, Stephy Tang, Patrick Tam. 98 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 29 novembre 2007.





mercredi 28 novembre 2007

My blueberry nights


En France, le cinéma d’auteur est roi. Et Wong Kar-wai est un auteur. Depuis sa découverte, chacun de ses films a été adulé. Lui-même est une idole. Pour être plus exact, il représente le cinéma de Hong Kong peuplé de jolies actrices, de jolis acteurs, dans de jolis cadres avec de jolies couleurs. Les films de Wong, c’est l’exotisme.

In the mood for love avait fait bander à peu près le monde entier, sauf moi, et depuis Wong nous refait le même film : 2046 son très, très long métrage, son épisode pour Eros intitulé La Main et également cette année son sketch pour Chacun son cinéma. Indécrottable romantique, Wong Kar-wai met un acteur et une actrice devant sa caméra et filme ça. My blueberry nights, c’est encore ça

Elizabeth (Norah Jones, pas très bonne actrice – loin de là) entre dans le café de Jeremy (Jude Law, pas crédible pour deux cents). Elle cherche son mec pour lui laisser ses clés. Jeremy lui dit qu’il l’a bien. Il le reconnaît grâce au menu qu’il a pris. Elizabeth part en laissant les clés puis revient. Jeremy nettoie son café et jette les gâteaux non consommés. Il s’apitoie sur la tourte aux myrtilles. Elizabeth adore ça. Elle reviendra chaque soir en manger.

Nous autres spectateurs ont a compris qu’il en pince pour elle, mais elle, elle n’a pas compris. Du coup, elle part dans le Tennessee et devient Betty le jour, serveuse dans un restaurant, et Lizzie le soir, barmaid. Elle y rencontre l’étrange Arnie (David Strathairn, qui fait la gueule), un alcoolique par ailleurs flic la journée. Son épouse Sue Lynne (Rachel Weisz, pleine d’énergie) le trompe avec une petite frappe. Il se suicidera, à moins que ce ne soit un accident.

Départ à nouveau, mais pour le Nevada cette fois. Elizabeth est devenue Beth et elle est serveuse dans un casino. Elle y rencontre Leslie (Natalie Portman, son personnage ressemble à celui de Kimberley dans Nip/Tuck), joueuse invétérée. Elle joue les économies de Beth. Puis, elle parte à Las Vegas. Retour enfin au bar de Jeremy appelé Ключ, ce qui en russe veut dire clé. Car, bien entendu la clé du bonheur était avec lui.

Le scénario de My blueberry nights est d’une rare indigence. Il ressemble à s’y méprendre à un condensé des épisodes de Dawson, ou d’une quelconque série américaine pour ados. Ou pire à Angel-A de Luc Besson. Destins croisés, amours contrariées, peut-on lire dans les mots clés sur allociné. Oui, pour rien n’en faire. Wong Kar-wai, comme dans ses autres films, offre une histoire sans intérêt, mais trop romantique. Sauf que dans My blueberry nights on s’en moque totalement. Ça parle sans cesse pour dire des banalités.

J’espérais que le passage aux Etats-Unis aller amener un peu de fraîcheur. Rien ! My blueberry nights pourrait se passer en Allemagne, en Argentine, en Australie ou n’importe où l’on peut voyager. Sa vision des Américains est anodine. Tout le monde est gentil, même ceux a priori pas sympas, comme Sue Lynn. Et bien sûr, personne ne couche avec personne. Et le baiser final est banal. Il était tant attendu, on disait que Wong l’avait filmé sous plein d’angles différents. Même pas, tout le film est décevant.

Car le principal problème de Wong Kar-wai, c’est qu’il a pris comme chef opérateur Darius Khondji, qui plombe chacun des plans de My blueberry nights, comme il plombait ceux des films qu’il a photographiés. On n’en croit pas ses yeux. Couleurs criardes et saturées, des images filtrées en veux-tu en voilà, des reflets de partout, miroirs, vitres, des flous sur les visages et des mises au point sur des objets au premier plan. Et l’horreur enfin, des ralentis insignifiants. C’est très ringard. Comme est ringarde la musique de Ry Cooder et les chansons niaises de Norah Jones. Oubliez la chanson des Turtles sur Happy together, ou les chansons de Frank Zappa. Dans My blueberry nights, on ne trouvera que de la pop FM.

Finalement, il est arrivé au cinéma de Wong Kar-wai, ce qui arrive à beaucoup de cinéastes : une incapacité à se renouveler, une confiance absolue dans son art qui le pousse à la caricature. Le vrai problème avec Wong Kar-wai est sans doute qu’il a été surestimé par la critique et que ses films sont emprunts d’une époque, qu’ils sont le reflet d’une mode. Dans les années 1970, ce fût Jerry Schtazberg, dans les années 1980 Roland Joffé, Leurs films sont aujourd’hui assez irregardables. Récemment Kim Ki-duk. Wong Kar-wai est un cinéaste asiatique pour ceux qui détestent le cinéma asiatique.

My blueberry nights (Hong Kong, Chine, France, 2007) Un film de Wong Kar-wai avec Norah Jones, Jude Law, Rachel Weisz, David Strathairn, Natalie Portman

mardi 27 novembre 2007

Eastern condors


Film de guerre violent (pléonasme), Eastern condors montre la face cachée de Sammo Hung : son côté obscur et sombre. Un an et demi après Shanghai Express, comédie joviale et bon enfant, Sammo Hung change radicalement de style en tournant Eastern condors. Le film de guerre à Hong Kong n'est pas un genre phare. C'est un pari risqué pour Sammo Hung parce que non seulement il abandonne ce avec quoi il a triomphé depuis une décennie, mais en plus Heroes shed no tears de John Woo sorti quelques mois plus tôt a été un gros échec commercial. Mais après avoir rendu hommage au western, il tente le film de guerre, ou plutôt le film de commando. Puis, il retournera à la comédie d'action avec Dragons forever.

1976, aux Etats-Unis. Un officier américain (Lam Ching-ying) a pour mission d'engager des mercenaires pour neutraliser des armes et des missiles cachés par les Américains dans un entrepôt au Viet Nam. L'Armée US ne veut pas que les communistes puissent utiliser ces armes super puissantes et menaçantes. L'opération s'appelle Eastern condors et les dix mercenaires (dont Sammo Hung) seront choisis parmi des prisonniers de droit commun (trafic de drogue, meurtre, rackett). En route pour le Viet Nam où ils seront parachutés au dessus de la forêt vierge. Au dernier moment la mission est annulée. Seulement voilà, tout les anciens prisonniers à qui les Etats-Unis ont promis et la liberté et de l'argent ont déjà tous sauté de l'avion. Commence alors leur quête vers les missiles, car ils ignoreront pendant tout le film que la mission est annulée.

Shanghai Express était un film choral, Eastern condors sera un film de groupe avec toujours un macguffin purement scénaristique. L'enjeu du film est plus simple : qui va survivre à la mission. Les dix mercenaires plus l'officier (les onze salopards) vont être accueillis par trois Cambodgiennes membres de la guerrillera anti-communiste. Elles luttent contre une éventuelle invasion vietnamienne. On est déjà à quatorze personnages. Puis, arrive Yuen Biao (affublé d'une mèche de cheveux digne de Super Résistant) et son père adoptif. Nous voilà à seize. Et pourtant Sammo Hung réussit le miracle de personnaliser chacun de ses personnages.

Le scénario repose sur un mode très simple : le groupe avance vers la base de missiles, l'ennemi arrive, le groupe se bat contre l'ennemi, quelques membres du groupe disparaissent dans le combat, les mercenaires continuent leur route. Le tout est répété une demi-douzaine de fois jusqu'au final où Yuen Wah, en chef vicieux des Viet Congs, donnera sa tannée aux derniers survivants. Moment de bravoure où l'acteur est habillé en col Mao, fines lunettes cerclées, tenant toujours un éventail et s'essuyant la sueur d'un mouchoir blanc. C'est une belle composition de méchant cruel. Pour les scènes d'action, Sammo Hung n'y va pas avec le dos de la cuiller. Pour être violent, c'est violent. On y tue à la pelle, on torture, on y coupe des bras. Une scène est particulièrement difficile : celle des enfants soldats qui jouent à la roulette russe dans un hommage décalé au film de Michael Cimino.

Mais au-delà du film de guerre du Viet Nam, Eastern condors est un film volontiers anti-communiste qui évoque crûment les conflits qui ont eu lieu depuis la fin de la guerre du Viet Nam. Il stigmatise par exemple la folie khmère rouge responsable de la mort de trois millions de Cambodgiens. Il renvoie dos à dos, l'irresponsabilité américaine qui laisse des tonnes de bombes et les Vietnamiens qu'il montre toujours incompétents et stupides. Sammo Hung n'a pas été vu autrement qu'un auteur moralement douteux. L'est-il plus que Samuel Fuller et ses films de guerre ? L'est-il plus que Sam Peckinpah à qui il rend hommage avec ses ralentis ? L'est-il plus que Tsui Hark dont on connaît les penchants nationalistes ? Non, Sammo Hung est un grand cinéaste. Tout simplement, un homme pour qui tout mouvement est cinématographique.

Eastern Condors (東方禿鷹, Hong Kong, 1986) Un film de Sammo Hung avec Sammo Hung, Yuen Biao, Lam Ching-ying, Melvin Wong, Charlie Chin, Yuen Woo-ping, Billy Lau, Corey Yuen, Yuen Wah.

lundi 26 novembre 2007

Les Petites fleurs rouges


Peu de monde connaît Zhang Yuan. Ces films ont été rarement vus en France : un petit passage par Cannes en 1997 avec West Palace East Palace qui parlait d'homosexualité (le film est sorti en 2006 en DVD). Ses autres films n'ont jamais franchi nos frontières. Et que peut faire le petit Dong Bowen, quatre ans au compteur, face à la si jolie coiffure blonde de Freddie Highmoore dans le rôle d'Arthur. Finalement, le marketing infernal aura fonctionné à plein régime.

Que tout le monde fasse la même chose est justement l'idée fixe de Madame Lin, la directrice du jardin d'enfants dans lequel Les Petites fleurs rouges nous plonge. On n'en sortira pas. Le film montre combien la machine idéologique peut créer des ravages, combien il est reposant de faire comme les autres. Ça se passe dans les années 1960, mais c'est pareil aujourd'hui. L'école est là pour te former mon enfant, pour t'enlever ton imaginaire et que surtout tu te taises et que tu acceptes les règles. Tout cela n'est pas du goût du petit Fang Qiangqiang (Dong Bowen donc, admirable acteur) qui se retrouve un jour dans ce jardin d'enfants parce que son père doit travailler loin. Nous sommes tous des petits Fang.

Apprendre les règles pour devenir un homme : ne pas faire pipi au lit, aller au toilettes au bon moment, se laver les mains, s'habiller seul et ne pas bavarder le soir. Fang Qiangqiang est stupéfait que tous ses 130 petits camarades respectent autant ces cinq commandements. Lui n'a envie que d'une chose : faire ce qu'il veut quand il le veut. Mais le regard des autres vous oblige à être dans la loi. Et le tableau avec les petites fleurs rouges, l'équivalent de nos bons points, est bien en évidence pour rappeler qui est dans le système. Qiangqiang n'a pas de fleur. Il s'en moque au fond. Il les aime parce qu'elles sont belles, mais il continue d'être libre.

Cette liberté passe par l'imagination. Il réussit à convaincre les autres enfants que Madame Li mange les enfants. Ce qui crée un chaos important dans le jardin d'enfants. Il veut aussi vérifier quels enfants a une queue, manière de faire une sorte d'éducation sexuelle qui ne dirait pas son nom. De toutes façons, à cause des règles, les enfants connaissent leur nudité. C'est d'ailleurs un des points les plus étonnants du film. Ici, le corps est libre. Zhang Yuan ne montre pas de fausse pudeur à filmer des jeunes enfants nus. On et encore plus étonné des pantalons des garçons qui sont ouverts à l'entrejambe, dans une idée de faciliter l'accès au petit coin.

La plus grande liberté de Qiangqiang est son refus de l'autorité. Les enfants le dénoncent à la moindre bêtise ce qui lui donne envie d'en faire encore plus. Madame Li n'est pas réellement méchante avec lui (on n'est pas dans Les Misérables), mais elle a perdu sa capacité de libre arbitre. Elle est absente à elle-même, comme un robot. Elle est monstrueuse parce que l'idéologie a eu raison d'elle. Les Petites fleurs rouges est une ode à la liberté, la vraie, celle qui fait qu'on se sent libre au milieu des règles et des contraintes. Zhang Yuan réussit son film sans l'ombre d'une mièvrerie et d'une concession. Tout le contraire d'un film de Besson.

Les Petites fleurs rouges (看上去很美, Chine-Italie, 2006) Un film de Zhang Yuan avec Dong Bowen, Zhao Rui, Ning Yuanyuan, Li Xiaofeng, Chen Manyuan

vendredi 23 novembre 2007

Quand l'embryon part braconner


La sortie en France de Quand l’embryon part braconner, quarante ans après sa conception, n’est pas en soi un évènement. Son interdiction aux moins de 18 ans, dont la presse a beaucoup parlé, faisant circuler une pétition prônant la liberté d’expression, n’est pas non plus un évènement. A moins que le distributeur, qui avait eu il y a deux ans de sortir plusieurs beaux films de Yasujo Masumura, ne sorte plusieurs films de Wakamatsu. Mais chat échaudé craint l’eau froide.

Quand l’embryon part braconner existe-t-il en lui-même ? Peut-on l’extraire du reste de la filmographie du cinéaste, ou même de l’histoire de l’industrie du cinéma japonais des années 1960-1970 ? C’est une grande question que seul un spécialiste des deux choses pourrait discuter. Je ne le ferai pas, je n’y connais pas grand-chose. Je n’ai pas pu assister aux diverses projections de Wakamatsu, n’étant pas Parisien.

Wakamatsu filme en huis clos ses deux personnages. Un homme et une femme. Ils travaillent ensemble dans un magasin, il est son supérieur. Le film commence sous la pluie, dans une voiture. Ils s’embrassent, il veut coucher avec elle, elle ne veut pas dans une voiture. Ils vont dans l’appartement du monsieur. Tout est sourire, tout est romantique.

Très vite, elle va déchanter. Il la drogue et, plutôt que de lui faire l’amour, se met à la fouetter vicieusement après l’avoir déshabillée et attachée. Le calvaire de Yuka va commencer. Sadao (nom rappelant Sade) va la maltraiter comme jamais on ne devrait le faire. Et Wakamatsu filme la lanière s’abattre sur la peau de la jeune femme.

Puis, Yuka sera traitée comme une chienne. Littéralement. Sadao la fera tourner par terre à quatre pattes. Il lui met une corde autour du coup comme un collier et une laisse et lui demande d’aboyer. Il lui donne à manger si elle se comporte en chienne, sinon, c’est le fouet.

Sadao a son raisonnement propre qui s’exprime par flash-back : la lumière devient très blanche et on voit sa femme, avec qui il n’est plus. Au court du film, on comprend qu’elle voulait un enfant. Lui, non. On comprend qu’il a aussi battu sa femme. Qu’il s’est fait opéré pour ne pas enfanter. On comprend aussi des problèmes parentaux. Il se fait traiter de pédé par sa femme.

Le film, en plus d’images de violence, devient pour les oreilles (ou les yeux : il faut lire les sous-titres) une horreur. Un vrai film d’horreur. La logorrhée de Sadao s’exprime en plein. Il se plaint des mœurs relâchées depuis la fin de la guerre. Il stigmatise l’existence des femmes. Il affirme qu’une fois qu’elles tombent enceintes, elles redeviennent animales. En la fouettant, il veut lui rendre sa pureté. Les moments de pause sont rares. On est devant la haine nue.

Kôji Wakamatsu fignole ses images. Un plan revient souvent : il filme du fond du couloir et laisse entrevoir Sadao et Yuka nus devant le lit. Un beau travelling sur le corps meurtri de Yuka. Son visage en plan arrêté. Elle souffre. Ce n’est pas de l’extase sexuelle. Sur les murs et les plafonds, on voit des reflets d’eau. Puis, il plonge la tête de Yuka dans la baignoire pleine.

Quand l’embryon part braconner est peut-être une critique décalée d’un certain Japon. Peut-être Wakamatsu stigmatise le comportement et les théories de Sadao. Mais dans le genre, La Bête aveugle de Masumura, tourné trois ans plus tard, était bigrement plus fort.

Quand l’embryon part braconner (胎児が密猟する時, Japon, 1966) Un film de Kôji Wakamatsu avec Miharu Shima, Hatsuo Yamatani

jeudi 22 novembre 2007

Sorties à Hong Kong (novembre 2007)

Anna & Anna (安娜與安娜)

Un film d’aubrey Lam (Singapour, Chine, Hong Kong) Avec Karena Lam, Lu Yi, Tender Huang. 90 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie : 22 novembre 2007.

Site officiel : cliquer ici.



mercredi 21 novembre 2007

Souffle (les affiches du film)

Le 14ème film de Kim Ki-duk vient de sortir en salles. Souffle sort dans 19 cinémas français. C’est déjà mieux que pour Time diffusé en plein mois d’août comme un film américain de série B. J’avais déjà parlé du film après Cannes (voir ici).

Voici trois affiches sur le film qui chacune semble donner une information différente. Trois manières de vendre un film.

La coréenne met en avant Chang Chen, qui interprète le prisonnier. Plan américain, dans un couloir, celui de la mort. Son matricule est rouge indiquant qu’il est condamné à mort. Derrière lui, le couple lui tourne le dos, uni. Aucune sensualité ne sort de cette affiche. Elle montre au contraire un désespoir. Chang Chen a un visage fermé. Cette affiche met en avant la rupture que pourrait causer le prisonnier sur le couple.

L’affiche italienne, qui est aussi l’affiche la plus utilisée dans le reste du monde, notamment aux Etats-Unis, montre le visage du prisonnier. Il nous regarde tandis que la femme lui donne un baiser. Son regard est troublant, d’autant qu’il place sa main gauche sur son œil gauche, lui cachant le visage. Ici, il s’agit d’un secret, celui de la liaison entre le prisonnier et la femme, qu’il faut cacher. Or ce secret est constamment vu par le directeur de la prison, interprété par Kim Ki-duk.

L’affiche française ne montre aucun visage. Elle est éminemment sensuelle, voire sexuelle. Le dos de la femme est apparent, les mains menottées du prisonnier lui griffant presque l’épaule. Cette affiche exprime l’animalité du prisonnier, la passivité de la femme. Il invite à voir un film purement sexuel, ce qu’il est. A la limite, on pense à une des scènes les plus célèbres de L’Empire des sens de Nagisa Oshima. Sur l’affiche du film d’Oshima, on retrouve aussi cette main sur l’épaule. En revanche, le slogan du film est particulièrement niais.

mardi 20 novembre 2007

Buddha's palm


Il arrive que certains films soient intéressants non pas pour eux-mêmes, pour ce qu’ils contiennent de scénario, de mise en scène, d’interprétation, mais parce qu’ils évoquent d’autres films particulièrement aimés et, d’évidence, considérés par chacun comme des chefs d’œuvre.

Buddha’s palm fait partie de ces films-là, oubliés jusqu’à ce qu’on les retrouve au fond d’un magasin d’occasion et qu’à l’occasion de quelques textes sur la Shaw Brothers, on se laisse tenter parce que sur la jaquette il y a le nom de Derek Yee, qui avant de réaliser quelques bons films, fit l’acteur pour les frères Shaw.
L’histoire du film est celle de Long Jianfei (Derek Yee) qui est défiguré après un combat pour une femme. Le visage plein de cicatrices (des morceaux de caoutchouc scotchés), il part se suicider et est sauvé par « Gros Béta » (dixit les sous-titres français), une sorte de dragon court sur pattes. On imagine les deux pauvres gars qui durent le temps du tournage être sous le costume.
Gros Béta amène, en volant, Long chez son maître, un ermite aveugle, le Vieux Démon, qui habite dans une grotte. Ce dernier prend Long sous son aile, en fait son disciple et lui ordonne d’aller chercher l’œuf d’or d’un dragon qui permet de guérir « de mille maux ». Là, il y a des dizaines d’autres disciples venus pour la même raison. Mais, c’est Long qui emporte l’œuf.
Il y croise deux sœurs qui refusent de le reconnaître et qui vont se battre avec lui. Puis au fil des aventures, les ennemis de l’ermite vont vouloir lui faire la peau. Ils y en a quatre avec des surnoms comme on en trouve dans les aventures d’héroic fantasy. Les alliances vont se faire, se défaire, les trahisons arrivent au fur et à mesure qu’un nouveau personnage débarque dans le récit particulièrement fourni.
Car comme dans Zu les guerriers de la montagne magique de Tsui Hark, auquel on ne cesse de penser, le scénario est tordu à souhait, comme si les séquences avaient été mis au hasard. On pense à Zu, mais une chose est sûre, Buddha’s palm est sorti six mois avant. Cela s’appelle du plagiat par anticipation.

Bien que la Shaw Brothers avait déjà pondu quatre aventures de Buddha’s palm au début des années 1960, ce film de Taylor Wong prend ses racines dans une BD populaire et ne s’en cache pas, comme dans cette séquence au début du film avec des dessins mis à plat et des pif, boom, wap.
Plus les décors sont rutilants, meilleur est le film devait penser Taylor Wong. Ici, on bat tant des records de kitsch, de brillance, d’étincellement que cela fait mal aux yeux. Les pré-génériques des Shaw sont rarement sobres, mais là, ça dépasse toutes nos espérances. On dirait presque que les décorateurs ont sorti tous les bijoux en toc accumulés depuis trente ans dans les réserves du studio.
Buddha’s palm propose aussi une abondance assez extrême d’effets spéciaux, notamment des lasers qui sortent des mains de nos héros. On serait bien de mauvaise foi que dire qu’ils sont de moindre qualité que ceux de Zu. Seulement voilà, il y en a beaucoup plus et employés avec moins de grâce et de poésie que par Tsui Hark.

Taylor Wong abuse aussi des mouvements de caméra tournant autour des acteurs, de montage cut, de hachage à l’intérieur d’un plan. Mais tout cela contribue à donner une rapidité à défaut d’un véritable rythme. Il faut bien avouer qu’au bout d’un moment, on n’y comprend plus rien. Mais qui, honnêtement, à tout compris du récit de Zu à sa première vision ?
En revanche, ce qui étonne le plus est peut-être sa bande sonore. D’abord, le film est accompagné d’un narrateur qui n’apparaîtra jamais et qui, en voix off, raconte les aventures de Long sur un ton ironique. A moins que ce ne soit le personnage de Lo Lieh, alias « le sage des îles du levant », le seul personnage comique du film qui arrive toujours après la bataille, en remuant son plumeau vert, et en faignant de s’en plaindre.

Le film joue aussi sur les instruments de musique qui rendent fous certains combattants. Les tambours, les guitares et une cloche. Là, on pense à Crazy kung-fu de Stephen Chow, où des méchants décimaient les artistes martiaux au son des luths. On pense à la cloche dans le restaurant que les propriétaires de la porcherie utilisaient pour combattre l’homme aux sandales. Et enfin, pour tuer ce même homme aux sandales, Stephen Chow combattait avec la paume de Bouddha.
Buddha’s palm reçut un succès limité lors de sa sortie à Hong Kong. Mais qui nous dit qu’il n’a pas marqué son époque et Stephen Chow également alors âgé de vingt ans ? Qui va dire le contraire ?
Buddha’s palm (如來神掌, Hong Kong, 1982) Un film de Taylor Wong avec Derek Yee, Candice Yu, Kara Hui, Alex Man Chi-leung, Mary-Jean Reimer, Shek Kin, Ching Miao, Lo Lieh, Siu Yam-yam.

lundi 19 novembre 2007

Un seul bras les tua tous

Un seul bras les tua tous inaugure la trilogie du sabreur manchot que Run Me Shaw produit pour sa compagnie. Chang Cheh réalise en 1967 ce premier épisode, comme les suivants Le Bras de la vengeance en 1968 et La Rage du tigre en 1971, qui demeure le plus connu. Comme d’habitude, c’est Ni Kuang qui scénarise le film. Jimmy Wang Yu sera le sabreur manchot dans les deux premiers volets. Il sera remplacé dans La Rage du tigre par David Chiang après son départ fracassant de la Shaw Brothers.

Un seul bras les tua tous commence dans la demeure du maître d’arts martiaux Qi Ru-feng (Tien Feng). Maître Qi manque d’être empoisonné par une lettre piégée. Arrive alors une bande de mercenaires qui l’attaquent. L’un de ses disciples vient le défendre. Le combat au sabre s’avère difficile. Le disciple est tué de deux coups de sabre dans l’abdomen. Qi Ru-feng décide de prendre sous son aile le fils de son disciple, le jeune Fang Gang. Ce dernier récupère le sabre brisé de son père.

Au cours du générique, on retrouve Fang Gang adulte. Il est devenu l’un des plus brillants artiste martial de Qi. Son visage en gros plan le montre rempli de vengeance envers les assassins de son père. Fang Gang (Jimmy Wang Yu) est un homme dur. Il coupe les bûches de bois, torse nu, malgré l’hiver et la neige. Fang Gang n’est pas apprécié par ses condisciples. La fille de Qi, tout comme ses deux frères armes, ne le supportent pas. Ils veulent donner une leçon à Fang Gang et lui donnent rendez-vous dans le bois à minuit.

Fang Gang souhaite rester loyal à son maître mais considérant la jalousie et la haine rentrée des condisciples, il choisit de quitter l’école secrètement au début de la nuit. La fille de Qi s’en aperçoit et le poursuit avec les deux autres disciples.

Voici comment Fang Gang devint manchot.


1 : plan d’ensemble sur les quatre condisciples. Fang Gang leur tourne le dos. Qi Pei veut se battre avec lui. Fang Gang vient d’humilier les deux garçons. La neige ne tombe pas encore beaucoup.


2 : champ : Qi Pei veut combattre Fang Gang avec les armes. Elle ironise sur le fait qu’il refuse de se battre à égalité.


3 : contrechamp : Fang Gang accepte de se battre, mais avec les poings, contre Qi Pei afin de pas lui faire mal. Le sabre, symbole phallique, doit être exclus de ce combat entre une fille et un garçon.


4 : travelling sur la droite : Ils se battent ensemble mais Fang Gang a vite le dessus.


5 : Qi Pei chouine d’avoir été poussée à terre et humiliée devant ses deux acolytes qui restent bras ballants et incapables d’agir. Elle veut revenir au sabre.


6 : Fang Gang aide Qi Pei à se relever. Les intentions de cette dernière sont masquées. On ne voit pas son visage. Fang Gang rit et pense que cette histoire est finie.


7 : Qi Pei a levé son sabre et tranché le bras de Fang Gang par surprise.


8 : Gros plan du bras tranché dans la neige fraîche. Fang Gang vient de perdre sa masculinité et le moyen de se venger des assassins de son père.


9 : Fang Gang comprend ce qui vient de se passer. Il est encore surpris de ne plus être un homme entier.


10 : Après s’être tordu de douleur et s’être effondré, il va quitter ses anciens condisciples vers une autre mission. Il va apprendre à utiliser son bras gauche et affronter les moqueries. Fang Gang tourne à nouveau le dos aux autres et part cette fois définitivement. La neige tombe à gros flocons. Le blanc, couleur du deuil, envahit les personnages. Un homme est mort, il va devoir renaître.

Un seul bras les tua tous (One-armed swordsman, 刀臂獨, Hong Kong, 1967) Un film de Chang Cheh avec Jimmy Wang Yu, Tien Feng, Chiao Chiao, Pan Yin-tze

Cliquez sur les images issues du DVD pour les agrandir.

dimanche 18 novembre 2007

Confessions intimes d'une courtisane chinoise


Dès les premières secondes de Confessions intimes d’une courtisane chinoise, le style inimitable de Chu Yuan se reconnaît. Il semblerait que son but soit constamment de placer entre la caméra et ses acteurs toutes sortes de choses : fleurs, branches, voiles, meubles et les acteurs également. Cette mise en place, extrêmement maniériste, atteindra son paroxysme en 1978 dans Swordsman and enchantress, où Chu Yuan se fout complètement de l’histoire.

Pour l’instant dans Confessions intimes d’une courtisane chinoise, le cinéaste suit le parcours de Ainu (Lily Ho) dans sa vie de courtisane, c’est-à-dire de pute de luxe. On est dans cette Chine légendaire qu’a aimé filmer la Shaw Brothers, une Chine de studio qui sied à merveille à Chu Yuan. Ainu, ainsi que d’autres jeunes filles, a été achetée par Chun-yi (Pei Ti), une mère maquerelle. Mais Ainu ne l’entend pas de cette oreille et se rebelle.

D’abord commence le dressage des filles. Il s’agit de les rendre souples : bain d’alun. Bonne idée pour faire de l’érotisme soft et dénuder des belles actrices. Quand les filles ne font pas bien leurs exercices, quelques coups de cravache viennent rappeler qu’elles ne sont que des esclaves sexuelles. Et hop, un peu de SM gentillet.

Très vite Madame Chun-yi se rend compte que Ainu l’attire. Parce que cette dernière ne se soumet pas, elle reçoit une bonne correction à grands coups de fouet. Et pour la consoler, Chun-yi lèche avec de sensuels coups de langue les plaies de l’être aimée. On sait que les amours lesbiennes sont un des classiques du fantasme érotique des hommes hétéros. Chu Yuan pousse ici ce fantasme jusqu’à la caricature.

Tout de même, au bout d’un certain temps Ainu accepte à la fois d’être l’objet du désir de sa maîtresse et de coucher avec les clients. Mais en vérité, elle commence à fomenter sa vengeance, d’autant plus que son serviteur personnel, le muet Ya Ba Ge (Man Chung-san) est tué devant elle.

Confessions intimes d’une courtisane chinoise commençait sous la forme d’un flash-back où le commandant Ji (Yueh Hua) enquêtait sur la mort d’un seigneur local. On retrouve la scène initiale au milieu du film et évidemment on comprend ce qui s’est passé. Ainu fait subir à ses « clients » ce qu’elle a subi, mais avec comme but de tuer ces trois seigneurs.


L’érotisme de Confessions intimes d’une courtisane chinoise est aujourd’hui un peu suranné, mais on imagine tout à fait qu’en 1972 cela a pu émousser les esprits des spectateurs érotomanes. Mais là n’est pas le seul propos de Chu Yuan et de ses scénaristes.

On assiste dans Confessions intimes d’une courtisane chinoise à une analyse des rapports entre sexes très négatifs. Les hommes sont tous des porcs libidineux qui exploitent des jeunes filles innocentes et soumises contre leur gré. On trouve cependant deux hommes qui ne pratiquent pas le sexe : le commandant Ji et Bao Hu (Tung Lin), l’intendant de Chun-yin. Les deux semblent amoureux respectivement de Ainu et de Chin-yin. Mais parce que l’amour n’a pas droit de cité dans le film,

Du coup, les femmes ne s’aiment pas non plus l’une l’autre. Leur rapport est symbolisé par les couleurs des robes qu’elles portent et qui expriment leur psychologie du moment. Les deux personnages féminins sont sans cesse en opposition. Leur sentiment est aussi exprimé par la musique. D’ailleurs on y entend des extraits de deux morceaux de Pink Floyd : Careful with that axe Eugene (de l’album A saucerful of secrets, 1968) et Pig heat big meat (de la BO de Zabriskie Point, 1970).

Confessions intimes d’une courtisane chinoise (Intimate confessions of a Chinese courtisan, 愛奴, Hong Kong, 1972) Un film de Chu Yuan avec Lily Ho, Pei Ti, Yueh Hua, Tung Ling

Le Prince et l'arnaqueur


Le Prince et l’arnaqueur, longtemps connu avec son titre anglais Dirty Ho est sorti à Hong Kong le 4 août 1979. Le film commence comme tous le films précédents de Liu avec un combat des deux personnages principaux face à des ennemis anonymes devant un fond blanc alors que le générique se déroule. Manière classique des films Shaw Brothers. Ça brille, la musique est disco (on est en 1979, soyons modernes), il suffit ensuite de lancer le film. Le titre français décrit parfaitement le concept du film : un arnaqueur, Ho (Wong Yu) rencontre dans un bordel un prince, Wang (Gordon Liu). Les deux hommes se disputent les faveurs des plus belles filles. L’un distribue des billets, l’autre des lingots d’or, l’un des bijoux, etc. Ho termine en prison et Wang gagne les filles. La grivoiserie est de bon aloi, vaguement misogyne et macho, voilà pour la partie comédie. Très vite le scénario part vers un schéma classique. Un frère aîné du prince Wang veut l’éliminer pour accéder plus vite au trône. Ce frère félon envoie quelques marauds chercher misère à Wang.

Dès lors, Le Prince et l’arnaqueur continue avec un scénario classique où les rapports entre le maître et le disciple sont déployés. Wang apprend le kung-fu à Ho. Car les ennemis sont nombreux et sournois. Ce qui est intéressant dans les combats du film, c’est la manière dont Liu Chia-liang propose ses combats. Le moment qui illustre le mieux la nouveauté des combats du Prince et l’arnaqueur est celui où Wang et deux autres personnages discutent de manière badine de vin tout en se battant. Le personnage de Gordon Liu reste toujours très poli et courtois face à ses adversaires (un des piliers de conduite du maître). Cela tourne pratiquement à une poésie visuelle remarquable.

Le Prince et l’arnaqueur (Dirty Ho, 爛頭何, Hong Kong, 1979) Un film de Liu Chia-liang avec Wong Yu, Gordon Liu, Kara Hui, Lo Lieh, Hsiao Ho, Wilson Tong.

vendredi 16 novembre 2007

The Siamese twins


En 1984, la Shaw Brothers est vraiment en fin de parcours et The Siamese twins marque le chant du cygne de la prestigieuse compagnie. C’était une époque où les films de fantômes, lancés essentiellement par la Golden Harvest, faisaient fureur. Pour relancer la machine, la Shaw se met en concurrence avec l’ennemi numéro un.

Le film commence par des informations crypto scientifiques sur les jumeaux siamois, histoire de faire croire que le scénario peut se produire. Contrairement à la plupart des ghost comedies, The Siamese twins situe son action dans un cadre contemporain avec des gens de tous les jours.

Po-yee revient du Canada où elle a fait ses études. Elle est avec un de ses camarades de fac, visiblement amoureux d’elle. Les parents de Po-yee voient son retour d’un drôle d’œil. Car ils gardent un secret, surtout la mère : Po-yee avait une jumelle siamoise qui est morte et qui vient hanter la maison familiale. Bei-yee a l’apparence d’une enfant. Elle est très jalouse et va éliminer ceux qui se mettent en travers de son chemin.

Le film délivre peu d’hémoglobine et finalement encore moins d’angoisse. Le jeune fantôme ne fait pas franchement peur, loin de là. La mise en scène de Mai Ling-tze, une jeune réalisatrice de la Shaw, n’arrive jamais à faire fonctionner les coups de théâtre horrifiques.

Pourquoi donc ce film était-il classé Catégorie III ? La réponse n’est pas dans la violence mais dans l’érotisme. Dans la dernière demi-heure, quelques scènes érotiques et dénudées viennent à la rescousse du scénario. La jeune fantôme prend l’apparence de Po-yee et couche avec tous les garçons pour semer la jalousie. On n’y croit pas, les scènes de nu sont assez ridicules.

Pensant bien faire, la réalisatrice fait mourir la vraie Po-yee et survivre son double fantômatique. Elle pensait sans doute pouvoir faire une suite. Mais la Shaw Brothers s’effrondera et ne réussira dans la décennie suivant à ne sortir que cinq films.

The Siamese twins (連體, Hong Kong, 1984) Un film de Mai Ling-tze avec Idy Chen, Mak Tak-lo, Tang Chen-tsung, Tien Ni, Yueh Hua, Kwan Hoi-shan

jeudi 15 novembre 2007

Sorties à Hong Kong (novembre 2007)

The Pye dog (良犬)
Un film de Derek Kwok avec Eason Chan, Yuan Lin, Man Chun-fai, George Lam, Cheung Kwok-keung, Emily Kwan, Billy Lau, Loletta Lee, Eric Tsang, Siu Yam-yam. 90 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 15 novembre 2007. Site officiel : cliquer ici





Bullet & brain (神槍手與智多星)
Un film de Keung Kwok-man avec Anthony Wong, Francis Ng, Tang Yan, Eric Tsang, Alex Fong Lik-sun. 92 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 15 novembre 2007.


mercredi 14 novembre 2007

Les Maîtres de l'épée


Les Maîtres de l’épée est une production Shaw Brothers composée de trois épisodes réalisés par Chang Cheh et Cheng Kang. Tout d'abord, il faut évoquer les réalisateurs de ce film. La jaquette du dvd édité par Wild Side Vidéo annonce trois cinéastes de la Shaw Brothers : Griffin Yue, Chang Cheh et Cheng Kang. Mais dans les génériques des trois épisodes, on constate que les deux premiers sont signés Chang Cheh et Cheng Kang (c'est indiqué aussi en alphabet latin) et le dernier de Chang Cheh seul. Que faut-il croire ? Cela n'aurait guère d'importance si le film était de grande qualité. Les Maîtres de l'épée est plutôt moyen voire tout à fait dispensable malgré son impressionnante distribution.

Ce qui relie les trois épisodes est donc l'épée, comme l'indiquent les titres anglais (Trilogy of swordsmanship) et français. C'est un peu court, d'autant que la vague du film de sabre est au plus haut en cette année 1972 quand sort le film. On pourrait différencier les styles différents des cinéastes, leur manières de montrer les corps en train de se battre, les sujets. Tout cela serait évidemment à la fois passionnant et très vain, car un film de Chang Cheh et de Cheng Kang tourné à cette époque et dans ces lieux (sans aucun doute à Taïwan) porte la signature de Runme Shaw, le producteur.

Les deux premiers épisodes (L'Arc de fer et La Tigresse) ont des similitudes. Ils ont tous les deux comme personnage principal une femme. Dans L'Arc de fer, une jeune femme et sa mère aubergiste luttent contre un potentat local qui veut à toute force épouser la demoiselle. Aidé d'un jeune commis, elles vont défaire le malotru, d'autant que la jeune femme est tombée sous le charme d'un voyageur. L'épisode s'achève de manière très abrupte (il dure 30 minutes) et laisse un goût d'inachevé. En revanche, ce qui plaît est le style : on dirait un opéra que ce soit dans la musique, dans la diction des acteurs (en mandarin) et dans le déplacement très mouvant de la caméra.

La Tigresse est le meilleur épisode de cette trilogie. Sans aucun doute réalisé par Cheng Kang, il met en scène Lily Ho dans le rôle d'une prostituée qui prend en main le destin de la seigneurie. Tous les hommes importants sont amoureux d'elle et cherchent à obtenir ses faveurs. Seulement voilà, elle tombe amoureuse d'un jeune général (le très fade Tsung Hua), ce qui déplaît au seigneur qui veut l'exécuter. Elle part avec son général capturer Pang (Lo Lieh) qui a bien des secrets inavouables. Dans cet épisode, Cheng Kang adopte le style de combat qui séduisait dans Les 14 amazones : caméra portée à l'épaule, humour pince sans rires et éloge du matriarcat (la personnage de la Grande Dame, la mère du seigneur est savoureux, tout comme celui de Lily Ho absolument géniale et délicieuse - quel sourire!).

Le moins bon épisode est celui de Chang Cheh (Le Rivage de l'eau blanche) où on a l'impression qu'il se caricature. Xu (Ti Lung) prisonnier de soldats ennemis est sauvé par Mu (David Chiang). Entre eux, une profonde amitié se noue. Chang Cheh bacle son épisode : trop de zooms, pas assez d'humour (contrairement aux deux autres) et surtout une direction des combats plate (doublage son atroce). Bref, Les Maîtres de l'épée est quand même en dessous de tout. A moins que vous soyez fan du bodybuildé Bolo Yeung qui apparaît dans le dernier épisode.

Les Maîtres de l’épée (Trilogy of swordsmanship, 群英會, Hong Kong, 1972) Un film de Chang Cheh et Cheng Kang avec Shih Szu, Yueh Hua, Tin Ching, Meng Yuen-man, Go Bo-shu, Bolo Yeung, Cheung Ging-boh, Mars, Unicorn Chan, Lily Ho, Lo Lieh, Chung Wa, Chin Han, Sammo Hung, Ti Lung, David Chiang, Li Ching, Ku Feng, Bruce Tong, Wong Chung, Wu Chi-chin, Cheng Lui, Chan Sing.

mardi 13 novembre 2007

Les 18 armes légendaires du kung-fu


C’est toute la famille Liu (ou presque) qui s’affronte dans Les 18 armes légendaires du kung-fu. Liu Chia-liang, réalisateur, s’y attribue également le rôle principal. Lau Kar-wing, alias Bruce Lau, son frère de sang y est un de ses ennemis. Enfin, Gordon Liu, son frère adoptif, un campe un moine fanatique dévoyé par un kung-fu sanguinaire. Avec dix-huit armes à leur disposition, il est facile d’imaginer que la surenchère dans les combats sera de la partie.

Les 18 armes légendaires du kung-fu arrive dans une période peu faste. Les films de kung-fu ont lassé un public qui se tourne désormais, en 1982, vers la comédie pure (Chow Yun-fat, Mak Kar, Wong Jing ou les frères Hui en sont les meilleurs représentants) ou vers le polar urbain (Samo Hung et Jackie Chan abandonnent les kung-fu pian). De plus, pour s'assurer une plus grande popularité, les films de la Shaw Brothers sont désormais tournés en cantonais. Mais la lassitude est là. Les décors en carton pâte mythiques, mais néanmoins kitsch, de la compagnie n'intéressent plus les spectateurs de Hong Kong. C'est le chant du cygne de la comédie kung-fu.

Ainsi le scénario des 18 armes légendaires du kung-fu sera un des plus lâches des films de Liu. A vrai dire, l'histoire n'a plus guère d'importance. Ce qui compte désormais pour lui est de produire un véritable festival d'art martial. Et ici, le spectateur y est particulièrement servi. Alors que le genre a été dénaturé par une volonté commerciale des studios hongkongais, Liu revient à la base même du kung-fu. Il stigmatise dans Les 18 armes légendaires du kung-fu ceux qui ont trahi le genre : la secte des Maoshan symbolise un escadron de combattants manipulés comme des marionnettes, devenus sans âme et qui luttent jusqu'à la mort. Gordon Liu en est l'un des chefs. Il pense pouvoir résister aux armes à feu par le seul pouvoir de concentration.

La mise en scène de Liu Chia-liang est cependant au diapason de l'intransigeance de cette secte, montrant sans vergogne des combats d'une rare violence qui contraste d'autant plus avec les moments de comédie qui ponctuent Les 18 armes légendaires du kung-fu. Ces instants comiques sont essentiellement l'œuvre de Alexander Fu-sheng qui joue un escroc de petite envergure se faisant passer pour Lei Gong (Liu Chia-liang, lui-même) que tout le monde recherche pour avoir le secret des ces fameuses dix-huit armes. De manière burlesque, Fu-sheng simule un combat qui n'est pas sans rappeler le début Prodigal son de Samo Hung réalisé quelques semaines avant Les 18 armes légendaires du kung-fu et où un fils de bonne famille était persuadé d'être un expert en art martial. Bien entendu, pour le bonheur de tous, Fu-sheng sera pris à son propre jeu et les vrais maîtres Shaolin auront raison de lui. D'autres moments très triviaux auront lieu, comme un combat dans une fosse septique.

Sans dévoiler la fin des 18 armes légendaires du kung-fu qui met en scène un fabuleux combat entre Liu Chia-liang et Lau Kar-wing, il est difficile de résister au plaisir de donner les noms des armes avec lesquelles ils s'affrontent : dard à corde, crochet protège-main, massues jumelles, hache bipenne, hallebarde serpentine, hallebarde lourde, sabres jumeaux, épée, sabre, lance frangée, triple fouet (en fait un nunchaku), poignards jumeaux, béquilles jumelles, hallebarde en croissant de lune, bâton, trident, bouclier de rotin, sabre feuille de saule et enfin bâton articulé. Et tout se termine à mains nues. Mais, vous me direz : il y a dix-neuf armes dans cette liste... Alors, laquelle n'est pas une arme légendaire du kung-fu ? Cela, Les 18 armes légendaires du kung-fu ne le dira pas.

Les 18 armes légendaires du kung-fu (Legendary weapons of China, 十八般武藝, Hong Kong, 1982) Un film de Liu Chia-liang avec Liu Chia-liang, Gordon Liu, Lau Kar-wing, Fu Sheng, Kara Hui

lundi 12 novembre 2007

La Chasse aux millionnaires


Quand la Shaw Brothers se lance dans la comédie musicale, les scénaristes regardent ce qui a marché de l’autre côté du Pacifique : vers Hollywood. En l’occurrence Marilyn Monroe et Les Hommes préfèrent les blondes dont La Chasse aux millionnaires pourrait être vu comme un divertimento.

Elles sont trois danseuses de cabaret. Yip Fang (Lily Ho), Nan (Ping Tei) et Ping (Ping Ching) et elles cherchent à se marier. Si possible avec un millionnaire. C’est Yip Fang qui est la mieux partie pour le mariage fortuné : elle sort avec Peter (Peter Chen), son patron le directeur du cabaret. Pas de chance pour elle, lui a une autre fiancée, Ying (Chien Yu), elle mariée à Gu (Ku Wen-chung), qui évoque irrésistiblement Charles Coburn. Ce dernier étant libidineux et qui drague tout ce qui porte une jupe.

Ping se rend compte que son fiancé sort avec une autre fille et qu’ils prévoient de se marier. Elle est bien triste mais un de ses tics ne la trompe pas : elle éternue quand elle rencontre un homme qui pourrait être l’élu de son cœur. Il s’agira d’un jeune serveur insolent, Hongfei (Cheung Pu-san) qui se fera régulièrement renvoyé. Pas vraiment millionnaire. A moins que…

Quant à Nan, elle se laisse séduire par un homme d’affaires, un grand type à lunettes à qui on n’a pas envie de faire confiance. Et on a bien raison parce que l’homme semble peu fiable. Nan rencontre aussi un homme qui est sans cesse poursuivi par deux policiers, mais il ne faut jamais se fier aux apparences.

Les trois chanteuses danseuses partent en tournée. Direction Taiwan, le Japon et terminus en Thaïlande. Moins pour exercer leur beau métier que pour surveiller Peter. Et trouver des hommes. On aura droit à quelques numéros de music hall avec des robes chatoyantes et des lumières enivrantes. Tous les intérieurs seront filmés dans les studios de la Shaw mais on imagine que quelqu’un a du filmer en décors naturels quelques plans pour faire croire que tout le monde est parti en voyage.

La Chasse aux millionnaires est un vaudeville énorme avec tout ce que cela contient. En près de deux heures, chacun va changer une demie douzaine de fois d’avis et donc de fiancé. Tous les mecs sont obsédés sexuels, ou presque. On y rit parfois. Le scénario va à tout allure. On y saupoudre un scénario vaguement policier à base de trafic d'argent caché dans un petit chien, et c'est parti pour de nouvelles aventures.

Deux ans après ce film, le cinéaste japonais Inoue Umetsugu réitérait avec We love millionaires qui reprenait l’argument d’un navet de Jean Neguslesco Comment épouser un millionnaire avec Marilyn Monroe et Lauren Bacall.

La Chasse aux millionnaires (The Millionaire chase, 釣金龜, Hong Kong, 1969) Un film de Inoue Umetsugu avec Lily Ho, Chin Ping, Ting Pei, Peter Chen, Cheung Pu-san, Chin Feng, Goo Man-chung, Paul Wei, Helen Ma