samedi 8 septembre 2007

Jiburo


Peut-être, faut-il commencer par dire ce que Jiburo n'est pas. Un de ces films édifiants destinés aux enfants où la réconciliation intergénérationnelle tiendrait à la fois de scénario et de thématique. Un de ces films conçus pour faire pleurer petits et grands, en chœur, dans les chaumières. Un de ces films où le processus des personnages serait rencontre, appréhension, compréhension puis acceptation. Jiburo, heureusement, est plus que cela.

Sang-woo est dans le train. Il essaie de siffler et ça énerve beaucoup sa mère. Elle le gronde vaguement. Plus tard, le fils et sa mère se retrouvent dans un bus. Ils sont en partance pour le fin fond de la Corée, le village isolé de Youngdong dans la province de Choongbuk (centre de la Corée) pour être précis. Les passagers à leur côté ont des poules sur les genoux. Leur teint halé nous aide à comprendre qu'ils passent leur journée dans les champs de leur cambrousse. Le petit Sang-woo, sept ans, va passer ses vacances chez sa grand-mère, une vieille bonne femme aux cheveux blancs qu'il ne cessera de traiter d'attardé, tout ingrat qu'il est, parce qu'elle est muette et qu'elle vit chichement, certes, mais à son rythme. Même la maman de Sang-woo ne prend pas la peine de passer la nuit chez sa mère. Sang-woo se plaint de devoir rester dans cette cabane sans confort, il grommelle et passe à son temps à jouer à la gameboy. Le parfait petit morveux.

A ce niveau du film, on se dit que la réalisatrice Lee Jung-hyang va faire se rapprocher ses deux protagonistes si antagonistes, qu'elle va faire réagir la grand-mère, qu'elle va faire prendre conscience au gamin qu'il est insupportable. Or la grand-mère subie sans coup férir l'attitude égoïste de Sang-woo. On a envie qu'elle se révolte comme on le verrait dans un film américain, on a envie qu'elle le prenne en quatre yeux et qu'elle lui donne une fessée. Au lieu de cela, elle laisse passer. Elle se laisse faire. Elle continue de faire plaisir à Sang-woo. Quand il réclame des nuggets à sa grand-mère, elle part au village, canne à la main, le dos courbé de fatigue et de vieillesse, acheter une poule. Poule qu'il refusera avec violence parce qu'elle l'a fait bouillir.

De même, on est révolté devant l'absence de gêne du gamin. Il passe son temps à jouer avec sa console avec cet insupportable bruit électronique, il n'est jamais content, il a des exigences irréalisables dans le lieu où il se trouve, comme trouver des piles au lithium quand son jeu tombe en rade, avoir une coupe de cheveux à la mode. Il a aussi le don d'être insupportable avec les autres enfants : Cheol-yee le fils d'un paysan qui est poursuivi par une vache enragée, ou encore la gentille Hae-yeon dont Sang-woo tombe sans doute amoureux. Et c'est cet entêtement qui rend Jiburo si formidable, qui le rend si touchant et totalement humain. Non pas que Sang-woo n'évolue pas, il aidera parfois sa grand-mère pour la couture, la lessive ou les courses, mais c'est la captation de la réalité de ce duo qui transcende la fiction avec une grande justesse. Elle filme en creux des micro-événements, de façon impressionniste, sans privilégier tel moment, sans climax sursignifiant. Lee Jung-hyang a aussi un grand sens de l'humour qu'elle distille par touche et qui rend Sang-woo et sa grand-mère si proches.

Jiburo n'est pas un chef d'œuvre du cinéma coréen, mais c'est un film qui donne une grande joie de vie. L'impression de voir un film pas prétentieux pour un sou, mais au contraire généreux, juste et sincère, envahit le spectateur petit à petit. Une belle comédie douce-amère.

Jiburo (Corée, 2002) Un film de Lee Jung-hyang

Aucun commentaire: