jeudi 23 août 2007

Big bang love juvenile A

Il existe des films qui se plonge tant dans l’abstraction qu’en parler d’un strict point de vue concret, évoquer sa construction organique en termes de mise en scène, d’interprétation, ou pire de scénario reviendrait à n’en rien dire.

Big bang love juvenile A est un film, comme dirait Mocky, où ça fout le camp dans tous les sens. Le titre original 46億年の恋 se traduit par 46 millions d’années. Mais tout autant le titre japonais que son titre international en anglais laissent pensifs et le spectateur lambda qui n’aurait jamais vu un seul film de Miike, et l’admirateur de l’œuvre de Miike qui regorge pourtant de bizarreries purement abstraites.

Takashi Miike nous plonge dans une prison. Des garçons en haillon sont entassés tandis qu’une enquête est menée pour savoir qui a assassiné un prisonnier. Le récit de l’enquête est volontairement incompréhensible. C’est le directeur de la prison en personne qui diligente cette investigation. Il a bien entendu quelque chose à se reprocher. Il essaie de subordonner le témoin pour qu’une éventuelle preuve d’un acte commis ne soit dévoilée.

Ce qui compte plus encore dans Big bang love juvenile A que le récit de cette enquête est l’ambiance particulièrement scabreuse que Takashi Miike développe. Il place ses acteurs (je dirais acteurs à défaut de personnages, car on est dans l’abstraction) dans des décors quasi nus. Ici, la référence au fantasme homosexuel tel que l’a envisagé Fassbinder dans Querelle, son dernier film en 1982, est évidente. Tout aussi référencée est l’allusion au film de Jean Genet Un chant d’amour (1950) dans cette idée que de la promiscuité entre hommes qui vivent sans femme naît de facto un désir irrépressible qui va jusqu’à se transformer en mort. La vieille idée d’Eros contre Thanatos.

Comme dans le court métrage de Genet, deux prisonniers, éventuellement amoureux l’un de l’autre, se rêvent à l’extérieur. Là, Miike les place dans un extérieur encore plus étonnant que l’intérieur. On y voit une fusée et une pyramide, sans que l’on y explique quoi que se soit. Les décors intérieurs de Big bang love juvenile A sont des formes géométriques. Cubes, hexagones, rectangles des fenêtres et des portes. Uniquement des formes anti naturelles, strictement culturelles qui font contrepoids aux sentiments de jalousies amoureuses dont font preuve les acteurs en tant que personnages.

Big bang love juvenile A est un film avec des scènes d’une belle fulguration, comme celle d’un mec tatoué qui danse torse nu en début de film, qui fascinent notamment parce qu’elle imprime le ton au spectateur. Les acteurs savent exprimer avec les yeux et la voix toute l’angoisse du monde.

Mais étrangement, on reste grandement sur sa faim devant ce film. On dirait que Miike essaie de faire de Big bang love juvenile A un film japonais de la fastueuse décennie autour de 1968. Un film à la fois génial (Miike fait ce qu’il veut et le réussit) et vain (tout cela ne regarde pas vraiment le spectateur).

Big bang love juvenile A (46億年の恋, Japon, 2006) Un film de Takashi Miike

Présenté au Festival de Deauville 2007

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