jeudi 26 juillet 2007

Marathon


Cho-won est un jeune autiste. Mais il sait courir. Sa mère l'encourage en lui demandant combien valent ses jambes : " 1 million de dollars ", répond-il. Est-ce tu peux gagner, demande-t-elle ? " Je peux le faire ", répond Cho-won. Et effectivement, Cho-won à la course de 10 kms qu'il fait arrive troisième. Il va sur le podium et une fois que les deux premiers sont descendus du podium, Cho-won prend la place du vainqueur. Ce qui ne manque pas d'amuser le public.

Cho-won a du mal à communiquer. Qu'est-ce que sourire ? Un photographe présent lui demande de faire un beau sourire, mais il en est tout à fait incapable. D'ailleurs, sa mère doit s'occuper de lui en permanence. Il est incapable de se débrouiller seul si ce n'est pour quelques broutilles. De toute façon, elle a tellement peur qu'il lui arrive un malheur qu'elle fait tout pour qu'il ne puisse jamais se retrouver seul trop souvent. Il a par exemple l'interdiction d'accepter quoi que ce soit de quiconque, ce qui donnera droit à quelques gags un jour où il vient de s'entraîner et que son coach lui propose un en-cas. Il refuse, mais par obéissance à sa mère. Il a évidemment faim, mais il n'a pas le pouvoir d'accepter.

Car le plus étonnant dans Marathon n'est pas l'aspect sociologique de la vie d'un autiste qui est décrite de façon quasi documentaire, mais le ton que le cinéaste emploie. Celui de la comédie. Il refuse de tomber dans l'angélisme et fournit à son film quelques scènes burlesques où le pauvre Cho-won est confronté à la dure réalité, comme lorsqu'il va faire les courses seul après avoir appris la liste des commissions par cœur et qu'il se retrouve devant un étal vide. Il ne sait plus comment agir.

Il y a une certaine cruauté de la part de Chung Yoon-chul de montrer son principal personnage dans le plus simple appareil. Oui, il est autiste, oui il est en dehors du monde bien que complètement dedans. Non, il ne peut pas avoir une vie normale. Sauf que le cinéaste le fait avec beaucoup d'humour, voire d'ironie. Il évite de tomber dans un insupportable misérabilisme. L'acteur qui interprète Cho-won, avec sa voix si étrange, son doigt qui se balade et ses yeux comme morts, est étonnant et parfait.

Quand le coach sort des jurons, Cho-won les répète le soir à la maison, tout comme il répète les pubs qu'il entend, parce qu'il répète tout. Là, le cinéaste nous fait rire, mais jaune. Le coach est un personnage particulier. Il est obligé d'entraîner ce gamin, qu'il juge débile, parce qu'il est condamné à une peine d'intérêt général. Il n'en a rien à fiche de lui faire faire 100 tours de stade pendant qu'il est au sauna à faire la sieste. Le coach est un égoïste et la mère de Cho-won, comme ce dernier, ont beau essayer de faire des efforts pour qu'il accepte de l'entraîner, il a du mal à se laisser amadouer.

La mère, elle-même, est un monstre d'égoïsme. Elle masque sa vie ratée en consacrant sa vie à son fils, à la fois au risque de l'étouffer totalement, et au détriment de son deuxième garçon, qui du coup vit dans l'ombre de son aîné autiste. Son mari l'a quittée et quand elle rencontre l'ancien coureur, elle reporte, encore une fois, sur ce dernier son manque et son angoisse pour, encore une fois, pourrir la vie de quelqu'un d'autre. Et c'est cette amertume qui est plaisante dans Marathon.

Car pour dire la vérité, on se moque bien de savoir si Cho-won va gagner sa course. C'est pour cela que l'on est assez déçu quand le cinéaste, dans la deuxième moitié de Marathon, abandonne les descriptions croustillantes de ses personnages pour se consacrer aux enjeux du film : la course en elle-même et son pendant hollywoodien : le dépassement de soi. La musique se fait guimauve, les sentiments se font gentils et l'intérêt baisse. C'est dommage. Le cinéaste a sans doute du faire quelques compromis pour rendre Marathon plus grand public. Mais en l'état, le film est agréable à voir et tout à fait recommandable.

Marathon (말아톤, Corée, 2004) Un film de Jeong Yoon-cheol avec Jo Seung-woo, Kim Mi-sook

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