dimanche 17 juin 2007

Babel

Après Amours chiennes et 21 grammes, Babel est le troisième film du cinéaste mexicain Alejandro Gonzalez Iñárritu. Il conclue ainsi une trilogie sur les maux de l’humanité. Babel se déroule en Californie, au Mexique, au Maroc et au Japon.
Au Maroc, un berger pauvre achète un fusil à un de ses voisins. Il confie l’arme à ses deux fils adolescents pour protéger le troupeau de chèvres contre les chacals. En s’entraînant à tirer, le plus jeune atteint un car de touristes américains et blesse grièvement Susan (Cate Blanchett). Son époux Richard (Brad Pitt, qui joue comme George Clooney) demande au conducteur de trouver un médecin. Or, ils sont au beau milieu du désert. Dans le même temps Amelia (Adriana Barraza) garde les deux enfants de Susan et Richard. La bonne mexicaine doit marier se jour-là son fils resté au Mexique. Son neveu Santiago (Gael Garcia Bernal) l’amènera au Mexique avec les deux marmots. Toujours dans le même temps, à Tokyo, Chieko (Rinko Kinkuchi) une adolescente sourde et muette essaie de vivre sa vie de jeune femme malgré son handicap. Son père Yasujiro (Koji Yakusho) est le vrai propriétaire du fusil. Lors d’un safari au Maroc, il en avait fait cadeau au vieux Marocain. Iñárritu, dans Babel montre l’effet papillon que peut avoir un acte involontaire. D’autant que très vite, les situations deviennent particulièrement dramatiques pour chaque protagoniste.
Les Américains en voyage au Maroc commencent à se demander si ce coup de feu ne pourrait pas être l’œuvre de terroristes. La scène se déroule dans le sud marocain, et là se posent deux invraisemblances majeures qui montrent l’aberration du projet. Les touristes sont en majorité des personnes âgées qui se plaignent de la chaleur. L’un d’eux affirme avoir une insuffisance respiratoire. Quel méchant tour operator a pu vendre à cet homme malade un voyage dans une région où l’on sait pertinemment qu’il fait 40° à l’ombre ? Le voyage ne semble pas être organisé par le Club Med pour se reposer au bord de la piscine. De plus, compte tenu de leur piètre opinion envers la population locale et de l’ambiance paranoïaque des Américains envers les Nations Arabes, pourquoi sont-ils allés se promener dans ce pays qui leur semble tout à coup si hostile ? Là réside tout le problème de Babel dont le scénario n’est construit que pour arriver à sa triste conclusion : le monde est injuste.
Babel se veut un état des lieux des injustices de ce monde. Les Marocains sont méprisés. Les Mexicains tout autant : Susan et Richard sont partis en voyage pour « se retrouver » seuls face à la sage immensité du désert. Eternelle rengaine néo-colonialiste des bobos. Mais le sort les frappe. Tristesse du fatum digne d’un scénario de Kieslowski qui serait filmé par Lelouch. Le couple ne méritait-il pas ce sort quand on sait qu’ils exploitaient la bonne mexicaine ? La pauvre femme est une immigrée clandestine. Dans un moment de folie, lors de leur retour en Californie après le mariage de son fils, Santiago force la douane pour échapper à un contrôle musclé. Il abandonne Amelia et les enfants en plein désert, au risque de mourir de soif.
A vrai dire, on se demande quel besoin avait le cinéaste d’ajouter une partie japonaise à son film. On ne voit nulle part l’importance de savoir que le fusil venait d’un chasseur japonais. Mais Babel est un film à thèse et Iñárritu la déploie avec une lourdeur qui apparaît vite comme de la naïveté. C’est donc la partie japonaise qui tente de transcender la thèse que l’on pourrait résumer en disant que si les gens parlaient le même langage (celui du cœur) tout irait mieux. On l’a vu, la jeune Chieko est muette. Il s’agit pour elle de trouver un peu de tendresse, de chaleur, elle est dans un désert affectif. (Ah ! le désert froid du Japon face aux déserts marocain et mexicain ; on voit mieux le parallèle) On le sait tous et Iñárritu le premier, les Japonais ont du mal à exprimer leurs émotions. Chieko aimerait bien pouvoir séduire les jolis garçons à cette soirée au bar J-Pop. Une idée lumineuse lui traverse l’esprit : ce soir, elle ne mettra pas de culotte sous sa jupe très courte (les filles sont toutes habillées en uniforme d’écolière). Et pour encore mieux nous montrer le décalage humain entre les sourds-muets et les pas sourds-muets, Iñárritu filme une scène de boîte de nuit avec une musique assourdissante, où la caméra épouse régulièrement le point de vue de Chieko. Dans ces plans, il coupe le son. Puis, il remet le son. Puis, il coupe le son et il remet le son.
A Cannes, où Babel était en compétition officielle, les journalistes étrangers ont acclamé le film. Les critiques français ont eu plus de mal à tomber dans le panneau. Wong Kar-wai et ses potes du Jury ont offert le Prix de la Mise en scène à Iñárritu. On ne voit qu’une raison à cela : une scène dans le métro tokyoïte est entièrement pompée à Chungking Express. La seule bonne scène du film.
Jean Dorel
Babel (Etats-Unis, 2006) Un navet de AGI

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