lundi 14 mai 2007

You shoot I shoot


La vie d'un tueur à gages est parfois difficile. Il arrive qu'un contrat soit exécuté et que le client commanditaire ne puisse pas payer. C'est la mésaventure que vit Bart ce jour-là, lui qui est un honnête professionnel de l'assassinat en règle. Bart a du mal à trouver des contrats rémunérateurs. En tout cas, suffisamment rémunérateurs pour continuer d'assurer le confortable train de vie que lui et sa femme ont adoptés depuis qu'il exerce cette lucrative activité. Ling, l'épouse de Bart, n'entend pas de cette oreille le fait qu'ils vont devoir baisser leur niveau de vie. Elle vient juste de lui offrir un superbe peignoir (ultra kitsch) et l'encourage à appeler tous ses amis pour savoir s'ils n'auraient pas quelqu'un à éliminer. Elle veut continuer à dépenser à sa guise. Mais, hélas, c'est la crise du meurtre à Hong Kong.

Bart rencontre une certaine Madame Ma. C'est une femme élégante et distinguée. Elle veut se venger de son amant et engage Bart. Mais il devra filmer l'assassinat et lui rapporter la cassette. Bart est un peu décontenancé, d'autant que Madame Ma n'est pas des plus discrètes. Elle explique tout cela dans un lieu public, un magasin de vêtements, et ne se soucie pas que les employées puissent entendre la conversation. Bart ira acheter un caméscope. C'est Vincent Kok le vendeur (et accessoirement scénariste du film). C'est vrai qu'un caméscope ressemble à un revolver.

Seulement voilà, si Bart est un tueur professionnel particulièrement compétent, il est complètement nul pour filmer. Madame Ma est très déçue du résultat : tout est flou, l'image est comme atteinte de la maladie de Parkinson. Elle conseille à Bart d'engager quelqu'un pour filmer la prochaine victime. Problème : comment trouver un type assez naïf pour filmer des meurtres ? Cette personne sera Chuen, un jeune homme rencontré dans un bar. Chuen tente de vendre du shit. Sauf que l'apparence de Chuen, en costume cravate, ne correspond pas à son activité. En vérité, il est assistant réalisateur sur un film porno et le producteur n'a pas d'argent. Il lui propose plutôt de se rémunérer avec de la drogue. Chuen, un peu contraint forcé, accepte de filmer Bart.

Les voilà partis tous les deux pour éliminer un type. Ils rentrent dans le bureau. Chuen veut vérifier la lumière. Il décide que tuer le gars à cet endroit-là serait mieux qu'à celui-ci. Bart fait déplacer le type. Chuen filme tout. Et Bart tire et tue le client. OK ! la prise est bonne, mais on peut la refaire, demande Chuen ? Mais, non, on ne peut pas ! Chuen commence à comprendre dans quel traquenard il s'est mis. Mais Bart est assez persuasif pour qu'il ne s'enfuie pas.

Chuen fait le montage du film, et nos deux héros vont présenter leur œuvre à Madame Ma. Là, elle est tout à fait satisfaite. Ses amies, venues prendre le thé, applaudissent à tout rompre devant un si beau film. Car Chuen, en bon pro du cinéma, a rajouté un générique, fait des ralentis, mis de la musique. Un vrai film de triade. C'est le début de la gloire pour le duo. Ils vont enchaîner les contrats.

La vie de Bart et de son épouse peut continuer. Tout va bien. Chuen est invité à un repas avec la belle famille de Bart. La belle mère demande à Bart de la " suicider " et le beau père d'éliminer sa femme, car sa maîtresse va arriver à Hong Kong. On nage en plein délire normatif : oui, la profession de Bart est de tuer, et tout le monde la sait. Et puis, un jour, arrive une commande énorme : tuer un membre des triades. Tout ne va pas se passer exactement comme l'avaient prévu Bart, Chuen et ses " clients ". Car, une autre équipe de tueur/filmeur est là aussi (Lam Suet avec des lunettes de soleil et un déguisement ringards : il est hilarant).

Peu importe, on re-filmera tout avec des acteurs. Chuen appelle l'actrice japonaise qu'il avait vue dans le tournage du porno et dont il est amoureux. On fait aussi appel à un sosie et on recommence tout. Mais tant qu'à faire, pourquoi ne pas tourner avec quelques pigeons comme dans un film de John Woo, demande le commanditaire arrivé sur les lieux ? Et, puis après tout, le commanditaire peut tout aussi retourner la scène en se donnant le beau rôle du tueur... Et c'est reparti pour un tour dans la joie et l'allégresse.

You shoot I shoot est un pur plaisir de comédie. Pang Ho-cheung, dont c'était le premier film, donne au scénario de Vincent Kok tous les moyens pour en faire un chef d'œuvre de film parodique. Eric Kot, qui interprète Bart, avec son air de gros gentil est parfait. Certes, il est parfois en roue libre et il lui arrive d'en faire un peu trop dans certaines scènes. Mais il assure en tueur qui forcément admire Alain Delon, le samouraï du crime. Face à lui, Cheung Tat-ming apparaît comme le grand dadais adéquat. Son rêve de devenir l'égal de Martin Scorsese le pousse à aller toujours plus loin dans la mise en scène des contrats. You shoot, I shoot : tu tires, je filme (ou l'inverse).
Jean Dorel

You shoot I shoot (買兇拍人, Hong Kong, 2001, 93 minutes) Un film de Pang Ho-cheung avec Eric Kot, Cheung Tat-ming, Chan Fai-hung, Jim Chim, Lam Suet, Audrey Fong, Vincent Kok, Siu Yam-yam.

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